28 Décembre 2010
Comment vous dire ça? La lecture de l’article de Sud Ouest de vendredi dernier qui nous apprend que les maires de Châtignac et de Saint Laurent des Combes s’interrogent pour savoir si leurs communes ne devraient pas changer d’intercommunalité m’a plongé dans un océan de perplexité.
Si j’ai bien compris, c’est la perspective de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité et d’éventuels élargissements de périmètres pour les communautés existantes qui les conduisent à se poser « les bonnes questions ». Mais quelles sont les bonnes questions justement ?
La communauté de communes des trois cantons de Baignes, Barbezieux et Brossac a été créée en 1996, il y a quatorze ans. Trente six des trente sept communes ont alors choisi de coopérer ensemble. Oriolles avait refusé et n’a rejoint la communauté qu’il y a trois ans. Jean Yves Ambaud qui était déjà maire de Châtignac est devenu vice président de cette communauté dès sa création. Il a aussi envisagé un temps d’en assurer la présidence.
Un périmètre n’est jamais idéal. C’est un parti pris avec des avantages et des inconvénients. Celui là avait le mérite de réunir suffisamment de communes, d’habitants et de ressources fiscales pour agir efficacement. Ce périmètre assez ambitieux, il faut le reconnaître, permettait surtout à toutes les communes membres, et précisément aux plus petites, d’exercer en coopération avec les autres la totalité des compétences attendues par les habitants. En contrepartie, la frustration très compréhensible pour les maires ou les élus délégués, c’est de devoir accepter de n’être qu’une voix sur 57 pour les plus petites communes et de ne pas forcément siéger au bureau, plus rarement encore d’être vice-président ou président.
Une fois le pari communautaire engagé, le retour en arrière est à mon sens quasi impossible à justifier par des motifs autres que ceux liés aux lubies politiques du moment. Ou bien par des affinités particulières qui sont par nature strictement contingentes. Il n’est évidemment plus temps de se poser aujourd’hui la question de savoir si sa commune serait mieux dans la communauté d’à côté. La question des bassins de vie, des aires d’attractivité, se pose évidemment quand on se trouve en zone frontalière. Chantillac est proche de Chevanceaux, Saint Palais du Né d’Archiac et Saint Laurent des Combes peut-être de Chalais. Mais c’est une question terriblement secondaire et de bien peu d’intérêt comparativement à la construction déjà engagée. D’autant plus quand les équipements et les services cités pour justifier l’envie de changer de partenaire sont strictement pour l’heure communaux. Dans le cas d’espèce, Jean Yves et Christophe se sont souvent exprimés pour souhaiter une seule communauté à l’échelle du pays. Cette simple proposition d’un ensemble encore plus vaste valide en creux le périmètre actuel de la communauté. Puisque l’une et l’autre de ces deux communes se sentiraient bien mieux dans un périmètre encore plus important qui inclurait toute la communauté à laquelle elles appartiennent déjà.
On n’entre pas dans une communauté et on n’en sort pas comme dans le moulin de Christian. Ces quatorze années d’histoire commune ont crée des liens budgétaires et fiscaux qui ne se défont pas aussi aisément qu’on pourrait le souhaiter. Les transferts de compétences, la création d’une fiscalité additionnelle au démarrage, le passage à la TPU avec retour de cette fiscalité ménages aux communes ensuite, ont conduit a des attributions de compensation positives ou négatives. Il me semble que pour ce qui concerne ces deux communes ce sont des reversements qu’elles effectuent à la communauté. Que deviendraient ces reversements en cas de départ de ces deux communes vers une autre communauté ? Les engagements pris par les communes réunies n’ont pas vocation à être remis en cause au gré des humeurs des maires et mêmes des conseils municipaux. D’autant plus quand quelques jours auparavant ils ont approuvé une charte qui validait un périmètre et des objectifs communautaires. Quitter une communauté nécessite une modification statutaire qui doit recueillir la majorité qualifiée. Et à mon sens, il ne faudra pas compter sur l’Etat à qui l’on demande en permanence de ne pas se mêler de ce qui relève de la volonté locale d’intervenir pour aller contre une décision majoritaire pour satisfaire les élus de telle ou telle commune. Il faudrait vraiment qu’il y ait un très large consensus entre les communes des deux communautés et des justifications exceptionnelles pour qu’un tel transfert puisse se réaliser et être avalisé par l’Etat. D’autant plus qu’il va avoir d’autres soucis plus stratégiques à affronter dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales. Vous imaginez également le signal de « détricotage » que cela enverrait partout où les élus de passage auraient aussi l’humeur vagabonde.
Parce que ce n’est vraiment pas le sujet du moment. L’objectif que s’est fixé notre pays, c’est d’achever la carte de l’intercommunalité. C'est-à-dire que toutes les communes appartiennent enfin à une communauté. A cela s’ajoute une incitation très forte auprès des communautés de communes de moins de 5000 habitants pour qu’elles rejoignent une autre communauté afin d’atteindre une dimension suffisante qui justifie une ingénierie et de moyens pertinents pour agir.
Il me semble d’ailleurs qu’il peut y avoir une ambigüité à lever sur les fusions supposées absolument nécessaires des communautés. Et c’est à mon sens dans le cas d’espèce aux élus locaux de s’affirmer vis-à-vis de l’Etat. En effet, après avoir depuis 1992 laissé se constituer des communautés de communes qu’il juge aujourd’hui trop petites, l’Etat semble inciter à constituer des ensembles plus étendus. Je crois qu’il faut être très prudent vis-à-vis de cette volonté. La taille en population et en ressources budgétaires n’est pas la bonne façon de poser le problème. La question centrale, la seule qui vaille, c’est de savoir au regard des règles démocratiques qui régissent le fonctionnement des communautés quelle est la taille de l’assemblée qui permet de faire vivre et réussir durablement la coopération intercommunale.
La communauté de communes de la Haute Saintonge qui regroupe 123 communes a accompli de très belles réalisations en réunissant trois conseils communautaires par an et en accordant une délégation maximum à son président. Mais est-ce bien raisonnable? Faut-il se résoudre à un « progrès » qui devrait nécessairement passer par ce que l’on appelle de façon trop imagée sans doute des « dictatures » éclairées. La même question peut être posée au sujet du syndicat mixte départemental Calitom. Les assemblées trop nombreuses conduisent à l’irresponsabilité collective et au pouvoir d’un seul. Je me souviens avoir entendu un secrétaire général de préfecture qui souhaitait de grands ensembles communautaires évoquer le chainon manquant de ce beau projet. Le bug, disait-il, c’est que le pilotage politique sur le terrain n’est pas en mesure de mener à bon port le paquebot imaginé dans les hautes sphères de l’administration. Le choix d’une coopération intercommunale où les élus s’impliquent vraiment impose des limites assez basses en termes de nombre de communes à réunir.
Le vocabulaire couramment utilisé est d’ailleurs trompeur. On parle de plus en plus du concept étrange de « couple communes communauté ». Cette formule m’insupporte. La coopération des communes entre elles, ça ne se traduit pas par un couple qui suppose deux entités distinctes. La communauté c’est la partie de l’action des communes qu’elles ont choisi de faire ensemble. Ce n’est pas un couple mais une association.
Le chantier auquel il me semble Jean Yves doit se consacrer dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales, compte tenu de sa présidence du syndicat mixte, c’est essentiellement d’accompagner la constitution des deux grands ensembles communautaires souhaités majoritairement par les élus, 4B d'un côté et Aubeterre, Chalais et Montmoreau de l'autre, en organisant la dissolution du syndicat mixte dont les fonctions ont vocation à être dorénavant pleinement assurées par chacune des deux communautés consolidées. Pour les projets qu’elles souhaiteront faire ensemble, il ne sera nul besoin de créer une structure supplémentaire lourde, compliquée et coûteuse comme le syndicat mixte qu’il préside. Et encore, le coût n’est peut-être même pas le plus grave dans ce type de montage. C’est le fait qu’il y ait un titre de « président » et le mot « pays » qui génère la confusion la plus totale. L’une des deux communautés assurera le support administratif et financier du projet qui verra éventuellement le jour entre plusieurs communautés. Cette possibilité, la Charte adoptée récemment le prévoit aussi.
Les bonnes questions à se poser sont pour la plupart d’ordre organisationnel aujourd’hui. Le but à poursuivre c’est d’optimiser l’argent du contribuable et de lui rendre les services qu’il attend au meilleur prix. Je sais que ce n’est jamais la tasse thé des élus dont la botte secrète est de prononcer à tout bout de champ les termes « services public » pour ne jamais gratter le vernis du système. Au regard de cet enjeu vital, les inquiétudes existentielles et géographiques nourries d’arrières pensées bien peu durables méritent un peu plus de pudeur à l’heure des déficits abyssaux et des défis titanesques à relever pour soutenir la compétition que nous imposent nos voisins. Eux font preuve de bien plus de pragmatisme en matière d’organisation territoriale. Nos choix compliqués nous obligent à encore plus de hauteur de vue pour servir l’intérêt général. Jean Yves à mon sens confirme dans cette affaire une fois de plus qu’il est une bonne boussole pour se perdre. Il n’indique jamais le nord.
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Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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