14 Novembre 2010
C’est Marcel Jullian qui le rapporte dans son livre consacré aux « pensées, répliques et anecdotes » de Charles De Gaulle. Le général raconte : « Un jour, dans un salon, j’ai surpris une réflexion de Bidault. Il racontait à mon propos : «Je n’ai jamais vu quelqu’un prendre autant de mouches avec du vinaigre ». Celui là m’a compris ». C’est peut-être ça finalement la caractéristique principale d’un grand leader. Etre capable de susciter l’adhésion à l’effort, au surpassement permanent. Faire percevoir la nécessité constante de suivre les chemins difficiles. Savoir donner envie des résultats escomptés qui justifient les sacrifices immédiats et le travail à fournir. A cet aune là, comme le dit Jean Lacouture quand il compare De Gaulle et Mitterrand, il y en a un qui dépasse l’autre d’une tête. On pourrait d’ailleurs étendre sans prendre de grands risques à « tous les autres » de notre histoire récente.
Hier après midi, à l’heureuse initiative de Jean Hubert Lelievre, Fréderic Salat-Baroux est venu parler à Cognac de son excellent livre intitulé « De Gaulle-Pétain. Le destin, la blessure, la leçon ». Cinq ans de travail, nous a dit celui qui a été le secrétaire général de l’Elysée lors du deuxième mandat de Jacques Chirac, pour évoquer avec précision et équilibre la personnalité et le parcours de ces deux hommes dans lesquels se sont identifiés à un moment ou à un autre les français. S’il a bien pris soin, comme il nous l’a expliqué, de ne pas faire de ce travail une évocation en creux de comportements d’aujourd’hui de tel ou tel, il considère évidemment que l’étude minutieuse des choix et des actes de l’un comme de l’autre est riche d’enseignements pour chacun de nous.
Max Gallo a publié au début de cette année un autre livre intitulé « 1940, de l’abîme à l’espérance ». Au fur et à mesure que je lisais cette inimaginable succession d’erreurs des élites, de renoncements, de lâchetés, de préoccupations dérisoires au regard des périls qui se précisaient, alors que seul contre tous De Gaulle anticipait les évènements, se battait, résistait jusqu’à devoir s’exiler à Londres pour poursuivre le combat au nom de la France, je faisais le parallèle avec la situation économique du pays aujourd’hui et les illusions que nous entretenons. Les périls ne sont évidemment pas de même nature et infiniment moins dramatiques. Et c’est sans doute ce qui est si trompeur. Chacun, aujourd’hui averti, s’imagine évidemment héroïque s’il devait se trouver confronté à une situation équivalente à 1940, sans imaginer qu’une nouvelle forme de péril menace en ce moment même notre pays qui nécessite aussi beaucoup de courage pour y faire face. Chacun glose sur De Gaulle, pour mieux dénoncer par exemple l’absence supposée de gaullisme dans la politique de Nicolas Sarkozy, mais aucun n’agit face aux vrais périls du moment. Bien peu de responsables politiques prennent la parole aujourd’hui pour défendre la voie exigeante que nous devons suivre pour « sauver la France » de 2010.
Nous sommes dans une confrontation économique pacifique avec l’Allemagne et le reste du monde et nous menaçons de nous effondrer sous le poids de la dette, de nos déficits publics, de l’absence de croissance et du chômage. L’héroïsme aujourd’hui c’est de parvenir à ce que la France travaille plus, gagne en compétitivité, résorbe sa dette et ses déficits publics, retrouve de la croissance et crée de l’emploi. Toute autre invocation du Général de Gaulle est de peu d’utilité dans le contexte économique du moment. Le soutien aux réformes en profondeur qui sont encore nécessaires pour ne pas foncer tout droit vers la faillite sont la seule ligne de partage objective en 2010 entre ceux qui continuent le combat et ceux qui accompagnent la dégringolade.
En 1980 la dette du pays était voisine de zéro, elle atteint aujourd’hui 90% du produit national brut et, compte tenu de l’explosion des déficits publics consécutive à la récession que nous venons de connaître, elle va continuer de croître. Dans le même temps où la dette a progressé en continu, la croissance s’est tendanciellement réduite. La dépense publique atteint cette année un record à 56% du PNB. Face à cette situation, la gauche, mais aussi une partie de la droite, considère qu’une hausse d’impôts est inévitable. Ce qui tout naturellement réduira encore la croissance et notre compétitivité. Si cette voie devait être choisie la dette augmenterait encore et le scénario de la faillite programmée s’accomplirait.
C’est dans cette perspective qu’il faut évaluer la courte majorité d’une voix obtenue au Sénat pour voter le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Elle est pourtant bien modeste cette réforme au regard de ce qu’elle devrait être pour améliorer l’efficacité de l’organisation territoriale. Je crois malheureusement que les problèmes vitaux du pays n’étaient pas la préoccupation première de certains sénateurs centristes qui se souciaient surtout du scrutin uninominal à deux tours dont ils craignent qu’il ne soit pas favorable à leur mouvement. Une hauteur de vue digne des préoccupations des parlementaires en 1940. Parce que bien entendu aucune proposition alternative ambitieuse au statut quo n’était proposée par les opposants à la réforme. On pense à Charles De Gaulle lorsque qu'il évoque un entretien politique:" Je parlais à monsieur Herriot de la France. Il m'a parlé du parti radical".
Sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, le nouveau gouvernement Fillon que je découvre en ce moment même à la télévision fera tout ce qu’il peut j’en suis sûr pour conduire le pays sur la voie du redressement. Les critiques, les propositions alternatives sont indispensables. Mais le devoir des élus aujourd’hui, de gauche comme de droite, c’est de travailler à l’amélioration de l’efficacité de l’Etat et des collectivités locales, de contenir et réduire l’endettement, de libérer la croissance, de diminuer la dépense publique, les niches fiscales et les corporatismes.
Fréderic Salat Baroux démontre dans son livre, à partir de travaux allemands, que contrairement aux idées reçues, en 1940 les moyens militaires en hommes et en matériels étaient supérieurs pour la France et ses alliés comparativement à ceux de l’Allemagne. C’est la mauvaise allocation des moyens et les erreurs stratégiques qui sont responsables de la défaite. La France de 2010 se retrouve dans une situation un peu équivalente. Relever le défi de la compétitivité est tout à fait à notre portée si nous le voulons bien.
Pour les plus aguerris et téméraires d’entre vous je conseille la lecture du dernier essai de Charles Gave qui s’intitule « l’Etat est mort, vive l’Etat » et avec pour sous titre : « Pourquoi la faillite étatique qui s’annonce est une bonne nouvelle ». Graphiques et calculs à l’appui, la démonstration est redoutable et très accessible. Heureusement nous pouvons encore conjurer ce qu’il annonce comme inévitable. Evidemment ce qui peut inquiéter pour la suite c’est de se souvenir que De Gaulle ait été aussi peu entendu avant 1940.
Une petite citation pour finir que j’emprunte à Alexis de Tocqueville et que je trouve tellement d’actualité: « La démocratie (en Amérique) fonctionnera jusqu’au jour où les élus se rendront compte qu’ils peuvent acheter les voix des citoyens avec l’argent de ces mêmes citoyens ».
Je vous mets en pièce jointe un long article de Claude Allègre publié dans le Point de cette semaine dans lequel l’ancien ministre et ami de Lionel Jospin évalue la politique de Nicolas Sarkozy. Je vous mettrais un lien demain pour celui de Nicolas Baverez qui décrit avec infiniment plus d’arguments que moi la nécessité de réformer encore et encore.
Et puis encore plus explicite je vous copie une dépêche AFP qui vient de tomber et qui montre qu'Obama dit à peu près la même chose que moi.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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