Jean Hedern Allier, l’écrivain pamphlétaire un temps sur la ligne de départ de l’élection présidentielle de 1981, avait déclaré : « je ne suis pas le candidat d’un parti mais d’un parti pris ». A défaut de me souvenir de l’originalité de sa motivation j’ai retenu la formule. C’est en lisant le baromètre de
la Charente libre d’hier qui relève dans « des hauts » (pourquoi dans « des hauts » d’ailleurs ?) que Philippe Arnaud, sénateur de
la Charente et président de la commission nationale d’arbitrage et de contrôle (CNAC) de l’UDF, a suspendu André Santini le maire d’Issy Les Moulineaux du parti centriste pour s’être rallié à Nicolas Sarkozy, que j’ai eu envie d’évoquer l’élection présidentielle et dire pour quel candidat je choisis de voter. Coluche, l’autre petit candidat éphémère de 1981, avait fait une promesse tout à fait crédible venant de lui. « Avant moi
la France était coupée en deux, après moi elle sera pliée en quatre » disait-il. On peut s’interroger aujourd’hui pour savoir ce que serait
la France de François Bayrou au regard de la stratégie de campagne qui est la sienne. André Santini en réaction à sa suspension du parti indique avec humour qu’alors que d’autres candidats rassemblent leur camp et annoncent leur volonté d’ouverture en cas de victoire, François Bayrou dit jouer l’ouverture immédiate alors qu’il pratique dans les faits la "fermeture éclair". J’imagine assez bien Philippe Arnaud officier pour cette suspension, hiératique à souhait, arborant son expression austère de circonstance qui lui sert de viatique pour revendiquer une certaine autorité. Il se trouve que dans le Sud Charente, où il est bien connu, il s’est fait une solide réputation méritée de « bras cassé » du développement local tant son immobilisme est grand sur son territoire. Je doute fort que la moins value constatée ici pour cet élu national soit compensée positivement ailleurs. Si je me lâche un peu c’est que j’ai moyennement apprécié que tout sénateur qu’il est, et compte tenu de ce qui précède, il se soit quand même interrogé sur la pertinence d’inscrire au même rang de priorité que le pôle multiservice de Blanzac, le projet culturel, touristique et social de rénovation du château de Barbezieux soutenu par les 37 communes des 3B dans le cadre de la négociation du contrat régional de développement durable avec
la Région Poitou-Charentes. Pour autant il n’est pas question de réduire l’UDF et François Bayrou à l’image que nous avons ici de son représentant. J’ai suivi attentivement la prestation de ce dernier à Bordeaux retransmise par la chaine parlementaire il y a quelques jours. Et puis vendredi et samedi les journaux se sont fait l’écho de son programme économique qualifié de libéral et social. Il ne s’engage pas dans des promesses inconsidérées, ce qui confère un caractère moins excitant à son programme mais sans doute le rend plus crédible. Ceux qui ont participé à l’élaboration du projet sont des libéraux comme Christian Saint Etienne (professeur à l’université Paris Dauphine) ou Jean Claude Casanova (il dirige la revue Commentaire), « tempérés par des experts issus des cercles rocardiens ou deloristes » (Le Monde) comme Jean Peyrelevade (l’ancien président du crédit Lyonnais longtemps socialiste). Le programme de François Bayrou affiche des objectifs de croissance et de solidarité sur des bases qui me paraissent solides et auxquels j’adhère assez facilement. De tous les candidats c’est lui qui affiche le programme le plus libéral au sens très noble qu’il faut donner à ce terme. A ce jour il semble qu’il intéresse tous ceux à gauche qui n’adhèrent pas à la personne et aux propositions de Ségolène Royal et à droite ceux qui sont dans les mêmes dispositions vis-à-vis de Nicolas Sarkozy. Et puis il faut le reconnaître une frange de plus en plus importante des électeurs sont tentés par le ni gauche ni droite qu’il propose et l’envie d’une union très large de toutes les bonnes volontés. Cette stratégie peut lui permettre d’être au second tour contre l’un ou l’autre des favoris du moment. Dans ce cas de figure les sondages semblent indiquer qu’il deviendrait alors président de la république. Mais c’est ensuite aux législatives que les français se rendront compte de l’incohérence de leur choix et de la tromperie dont ils auront été victimes. En effet le système majoritaire à deux tours nous garantit une campagne classique gauche droite. Si François Bayrou est élu au second tour contre Nicolas Sarkozy on imagine mal un accord de désistement entre le PS et l’UDF pour former une majorité de gauche et de centre droit. Le plus probable c’est que les accords de désistement aient lieu à droite mais avec des primaires partout qui pourraient envoyer à l’assemblée une majorité UMP UDF ou Socialiste mais certainement pas UDF seule. Une partie de l’électorat du président aura forcément de la peine à s’y retrouver. Pour le cas ou il gagnerait contre Ségolène Royal ce serait en apparence plus simple mais là encore au regard de la campagne pour la présidentielle on peut supposer qu’il y aurait partout des primaires à droite entre l’UDF et l’UMP qui ne seraient pas forcément favorables à l’UDF. Dans les deux cas de figure la majorité de gauche ou de droite pour gouverner ne serait pas porteuse du programme du président et de mon point de vue un certain immobilisme (on y revient) serait à craindre. Il faut quand même se souvenir que François Bayrou, s’il a laissé une aussi bonne impression aux enseignants lors de son passage à l’éducation nationale c’est surtout parce qu’il n’y a rien fait et qu’il n’a guère pris d'initiative. Finalement sa promesse de dépasser les clivages gauche droite malheureusement ne tient pas (n’est ce pas d’ailleurs la promesse qui ne sera pas tenue la plus dangereuse qui soit ?) et de mon point de vue ce n’est pas souhaitable. Les responsabilités doivent être claires afin de permettre aux électeurs de changer d’équipe s’ils désapprouvent la politique conduite sans se trouver en situation de n’avoir que les extrêmes pour recours. C’est d’ailleurs moins la notion de gauche et de droite qu’il faut préserver que l’existence de deux possibilités de gouvernement bien distinctes pour le pays.
Il est bien sûr certaines propositions de Nicolas Sarkozy et de son équipe auxquelles je n’adhère pas. Pour faire le lien avec l’hôpital je suis terrifié par exemple que Xavier Bertrand ait pu s’entourer de types dangereux en blouse blanche comme Guy Vallancien ou Henri Guidicelli pour restructurer de la façon la plus grossière qui soit la chirurgie dans le pays au mépris des hommes et des territoires et de la réalité des situations. J’ai d’autres exemples qui concernent ma profession qui pour avoir des conséquences moindres ne me rassurent pas sur le pilotage gouvernemental. Pour autant je ne vais pas changer de camp. Et j'apprécie quand même en revanche de savoir dès aujourd’hui comment et avec qui Nicolas Sarkozy pourra gouverner et mettre en œuvre son programme. Pour gouverner il faut réunir plus de 50% des voix des électeurs. Cela suppose d'associer une assez large variété d’opinions dans un camp comme dans l’autre et donc un travail permanent de recherche de consensus et de débat qui ne satisfait jamais totalement tout le monde. Dans ce registre je trouve que Nicolas Sarkozy réussit plutôt bien, sans doute au prix de contradictions qui seront difficiles à surmonter. J’ai très apprécié que Christian Blanc, apparenté UDF à ce jour et dont je me sens très proche, ait rejoint Nicolas Sarkozy en considérant qu’il serait possible avec lui d’améliorer la situation du pays. C’est aussi mon parti pris.