4 Janvier 2007
voilà une opinion qu'elle est bonne parue dans le Monde daté de demain (enfin d'aujourd'hui puisqu'il est plus de minuit) et que je m'autorise à recopier au risque de me faire réprimander par copyright.
Quel journalisme à l'ère du Web ?
Dans la jungle des blogs et la confusion entre communication et information, la presse conserve son rôle
Voilà pourquoi nous sommes en train de changer profondément : c'est en imaginant autrement nos métiers que nous jouons notre rôle. Par exemple, à Europe 1, nous savons que la meilleure manière de prévoir le futur, c'est de l'inventer. Et d'imaginer ce que pourrait être l'information de troisième génération, " l'information 3.0 ", celle qui intègre le Web 2.0 et l'enrichit... La seule que les grands médias devraient proposer. La seule qu'à notre place, nous essayons de produire. La seule que la presse écrite, en crise partout dans le monde, devra offrir si elle veut éviter l'inévitable.
La créativité est à la base de tout, comme si chaque journaliste devenait lui-même un moteur de recherche en dénichant les histoires inédites et en leur donnant l'exposition qu'elles méritent. Mais c'est surtout en devenant des " modérateurs " que les journalistes réinventent leur métier. Ils aident à faire le tri entre toutes ces paroles, à mettre de l'ordre dans la jungle des contenus. Ainsi, chacun peut-il contribuer au débat, sur des bases solides. Grâce aux forums, aux blogs et à l'Internet participatif, les journalistes peuvent multiplier leurs sources et leurs angles. Ils affinent la pertinence de leurs analyses et la véracité de leur propos. Bref, ils parlent mieux avec leur public, ils l'écoutent et tentent d'être plus utiles encore dans la cité. Ils sont parfois à l'origine de nouveaux fils de discussions en ligne et font raisonner la parole des blogueurs. Enfin, les paroles des uns et des autres cessent de s'ignorer. Elles commencent à se croiser.
Notre mission, c'est de mettre les individus et les communautés en relation !
Mais, à vrai dire, l'évolution des moyens de transmission importe moins que la santé de ce qui est transmis. Le Web 2.0 cacophonique, mal intégré, peut amener une intolérable confusion entre l'information, la communication et l'opinion. Un formidable bond en arrière. Les foules ne sont pas toujours sages, elles appellent parfois au lynchage et peuvent être plus conformistes qu'il n'y paraît ! La profusion de faits ou d'opinions approximatives crée parfois la confusion... et une menace pour la démocratie que nous ne pouvons accepter. Certaines chaînes de télévision américaines ont, par exemple, jugé inutile d'envoyer des journalistes en Irak pendant la seconde guerre du Golfe. Elles ont préféré relayer les informations des blogs tenus par des soldats américains et diffuser leurs images. C'est ce que mon confrère David Remnick du New Yorker considère à juste titre comme de la propagande...
L'information, elle, ne souffre pas l'à-peu-près. Le journalisme est un métier : il ne consiste pas à ramasser les contenus que d'autres ont bien voulu produire. A quoi servent des journaux qui n'apportent pas de valeur, n'en disent ni plus ni mieux que ce qu'on peut trouver ailleurs avec un bon moteur de recherche ? Nos rédactions doivent naturellement se remettre en question, d'autant plus que le public, en allumant son ordinateur ou son mobile, dispose de la même matière brute que les journalistes. Plus que jamais, c'est le traitement et l'honnêteté de l'information qui font la différence. C'est à sa source qu'il faut aller chercher l'actualité, pas dans la copie de l'existant ni dans la répétition...
De telles ambitions ont un coût. C'est un investissement, et nous avons décidé de le faire. Parce que c'est notre vocation. Il est urgent de mettre un terme à ce mythe de la gratuité. Editer une information vérifiée, contextualisée, distanciée, coûte de l'argent mais rapporte davantage encore à la société tout entière. C'est aussi la conviction de Larry Sanger, l'un des cofondateurs de Wikipedia, cette encyclopédie en ligne alimentée par ses lecteurs. Il reconnaît les limites de cet outil et s'apprête à lancer Citizendium, un projet similaire à une différence près : la validation des contributions par des experts, ce qui demande, bien sûr, plus de moyens.
Nous pourrons bientôt compter sur de nouvelles recettes qui rentabiliseront nos investissements puisque les espaces publicitaires " de masse " commencent à être complétés par de nouveaux messages très ciblés, adaptés aux besoins de l'internaute qui s'informe en ligne. Dans cette perspective, nous veillerons à ne dépendre de personne, ne serait-ce que technologiquement. Nous serons vigilants sur la provenance de nos ressources.
Certains acteurs puissants et transnationaux sont déjà à l'oeuvre. Ils proposent à des journaux ou à des radios, pour l'instant aux Etats-Unis, de faire venir à eux ces nouveaux annonceurs. Pourquoi pas ? A condition que les chances soient égales et les profits bien répartis. Pour faciliter cette mutation souvent douloureuse, c'est toute l'Europe qui devrait définir une politique d'aide à la presse. Aux médias de s'assurer des moyens de leur indépendance.
A notre place, c'est en apprenant chaque jour des expériences alentour que nous essayons de réussir. Expérimentons, innovons, soyons vigilants, et les " vieux médias " auront de beaux jours devant eux... Inventons le journalisme 3.0 !
Jean-Pierre Elkabbach
Président d'Europe
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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