29 Octobre 2006
Mardi dernier le professeur Henri Guidicelli est venu rendre compte des conclusions et des propositions de la mission d’aide à la réorganisation de la chirurgie du Centre Hospitalier de Barbezieux qu’il a conduite avec deux autres experts, le docteur Danièle Delannoy et monsieur Joël Bouffies, les 3 et 4 juillet 2006.
Les éléments qui ont été communiqués lors de cette réunion, oralement ou par écrit, à la tribune et dans la salle, permettent me semble t-il de déterminer très clairement les possibilités réelles de réorganisation pour la chirurgie de notre hôpital. Je vais me risquer une fois de plus à tenter de les exprimer en organisant les différents paramètres du puzzle dont chacun de nous a maintenant connaissance.
Mais pour commencer il me semble utile de rappeler les motivations de cette réorganisation, qui concerne de très nombreux hôpitaux de notre pays, telles qu’elles ont été rappelées par le professeur au début de son intervention.
L’exercice de la chirurgie, comme bien d’autres activités, évolue au rythme des innovations technologiques et des progrès qu’elles permettent. Corrélativement le coût de certains équipements détermine le regroupement de l’activité sur moins de sites pour en optimiser l’utilisation et en abaisser le coût d’utilisation. La spécialisation des chirurgiens, avec la disparition progressive des chirurgiens généralistes, tend également à concentrer les équipes. La permanence des soins qui nécessite de disposer en continu d’un orthopédiste et d’un viscéral ne s’obtient réellement qu’avec trois praticiens de chacune de ces deux spécialités et de trois anesthésistes. Tous ces éléments exercent une force considérable pour le regroupement de la chirurgie sur moins de sites qu’aujourd’hui.
Si l’on applique froidement cette analyse à l’hôpital de Barbezieux l’exercice de la chirurgie n’y est plus possible. C’est la conviction d’Henri Guidicelli. Il indique dans son rapport que le regroupement complet des activités opératoires sur le plateau technique d’Angoulème est la solution la plus logique pour le maintien d’une chirurgie publique de qualité.
Il évoque quand même deux autres alternatives qui toutes les deux s’avèrent inapplicables.
La première c’est de maintenir une chirurgie diurne, programmée et ambulatoire, à Barbezieux. Le bloc opératoire serait fermé le soir à 18 heures en semaine et tous les week-ends et jours fériés, sans réouverture possible. La permanence des soins étant assurée sur le site de Girac. En cas de problème les opérés de Barbezieux y seraient transférés par ambulance après avis des chirurgiens de Barbezieux soumis à une astreinte de sécurité.
Cette solution est refusée par les chirurgiens de Barbezieux. Ce refus constitue t’il alors un abus de pouvoir de la part des chirurgiens ou une mauvaise volonté condamnable ? Cette question à laquelle il faut répondre est au cœur du grave conflit que nous vivons. L’hôpital de Douarnenay auquel il est fait référence pour justifier cette proposition est le seul exemple à ce jour où des chirurgiens ont accepté un mode de fonctionnement de ce type. Le courrier adressé par le Docteur Michel Bacquart, président du conseil départemental de l’ordre des médecins de
La deuxième solution alternative évoquée par le professeur consiste à ne pratiquer à Barbezieux que de la chirurgie ambulatoire. La motivation principale de la réorganisation proposée par la direction de l’hôpital étant d’ordre financier, cette solution, ainsi que le relève l’expert, doit faire l’objet d’une évaluation préalable pour savoir si l’activité générée en ambulatoire sur Barbezieux permet la prise en charge économique des moyens nécessaires. La réponse est à coup sûr non au regard des données d’aujourd’hui. Le volume d’activité à ce jour de la chirurgie ambulatoire seule ne peut justifier l’existence d’un bloc opératoire sur Barbezieux.
Tous ces éléments que les non initiés que nous sommes avons découverts tout au long de cette année 2006 démontrent parfaitement que le choix décidé d’une chirurgie programmée et ambulatoire avec un bloc opératoire fermé à 18 heures et les week-ends et jours fériés ne peut conduire qu’à la fermeture inéluctable, immédiate et complète de la chirurgie à Barbezieux. Ceux qui l’ont proposé et imposé le savent parfaitement. Cet objectif masqué de fermeture de la chirurgie, parce qu’il n’est pas assumé par l’ARH et la direction de l’hôpital, a conduit à cette situation délétère mise en exergue par Henri Guidicelli. Le choix machiavélique de rejeter la responsabilité de cette fermeture sur les chirurgiens, et principalement sur le docteur Farhi, bouc émissaire et coupable idéal, ne résiste heureusement pas à une analyse simple et sérieuse que chacun peut faire par lui-même maintenant.
La meilleure façon de réussir face aux résistances des élus, de la population et des personnels me semble toujours être la pédagogie et la discussion, à la condition quand même que le projet à soutenir soit bon et ait du sens. Même si je crois qu’une autre stratégie était et demeure possible, on va le voir, la fermeture de la chirurgie et l’évolution conjointe des services rendus par cet hôpital pouvait tout à fait se défendre positivement. Le minimum que nous étions en droit d’attendre et d’exiger de responsables qui savent ce qu’ils font c’est bien qu’ils assument leur décision et qu’ils mettent tout en œuvre pour adosser leur projet à une stratégie d’ensemble la plus pertinente et la plus offensive possible pour l’établissement qu’ils dirigent. Si la réorganisation était légitime et justifiée à leurs yeux leur devoir était de nous l’expliquer sans craindre l’adversité. Elaborer un projet d’avenir avec les équipes et l’expliquer à chacun, à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise, n’est ce pas le rôle des dirigeants ? N’est ce pas aussi la seule voie possible pour réussir ?
C’est bien là que réside mon opposition fondamentale aux méthodes employées pour la conduite du changement pour notre hôpital, à tous les échelons, de l’ARH à la direction de l’établissement. C’est aussi ce qui m’oppose le plus nettement au président du conseil d’administration dont je ne comprends toujours pas par exemple qu’il puisse dire que s’il ne nous a pas réunis c’est qu’il n’y avait rien à dire.
Christian Blanc à qui j’avais posé la question de savoir ce qu’était sa méthode, souvent citée en référence, de conduite du changement m’avait répondu à peu près ceci. Je consulte, j’écoute beaucoup, je fais la synthèse et j’élabore le projet. J’enrichis encore mon travail à l’écoute des objections pertinentes et puis quand je pense que je suis prêt je vais à l’objectif sans que rien ne m’arrête plus. Il a démontré plusieurs fois que cette méthode était la bonne.
Depuis dix mois nous subissons l’opposé de cette méthode. Les décisions, dont l’impact n’est pas évalué, précèdent la réflexion. Les oppositions suscitées sont reçues avec irritation et assimilées à de l’agitation irresponsable. On ne peut malheureusement que confirmer que ça ne marche pas.
Henri Guidicelli vers la fin de son intervention a pu évoquer son regret que nous ne sachions pas mettre en œuvre l’hôpital multi-sites en France qui permettrait d’optimiser les équipements et les hommes au plus près des populations. C’est dans ce registre où je l’ai trouvé le plus intéressant.
Imaginons ce que pourrait être l’évolution de la chirurgie sur les deux sites de Girac et de Barbezieux dès lors qu’il y aurait une volonté réelle de mettre en commun tout ce qui peut l’être, en intégrant toutes les contraintes réglementaires et avec l’objectif d’assurer la sécurité, la qualité et la continuité des soins.
Dans cette perspective on doit déjà constater qu’un embryon informel d’hôpital multi-sites existe déjà entre ces deux hôpitaux. La continuité des soins qui n’est pas assumée seule par Barbezieux se trouve exister de fait sur le territoire grâce à Girac. Une étape supplémentaire pourrait être franchie en rattachant l’ensemble des effectifs des services de chirurgie à un seul établissement. L’organisation des interventions entre les blocs se ferait alors en fonction des possibilités des équipements et des besoins des patients. Le bloc, pour que les chirurgiens puissent exercer, continuerait d’être ouvert 24 heures sur 24 à Barbezieux comme à Girac afin de maintenir et surtout de développer l’activité sur l’ensemble constitué des deux sites. Dans le cadre d’une nouvelle gouvernance un tableau de bord et une comptabilité analytique permettrait d’associer les équipes à la recherche de l’efficience économique optimum du service. Un travail en profondeur pour développer une solidarité sur le territoire entre tous les acteurs de la santé avec un objectif qualitatif optimum renforcerait l’activité des deux établissements. Cette évolution associée au développement des autres activités de l’hôpital renforcerait tout l’établissement pour le plus grand bénéfice de notre territoire.
Pourquoi faudrait-il à priori refuser cette ambition parfaitement accessible. Toutes les objections rapportées par la mission d’aide sont consécutives à la décision de fermeture du bloc à 18 heures. Ce blocage ne doit pas nous aveugler et nous empêcher de voir que Girac a clairement affirmé la nécessité de maintenir une activité chirurgicale à Barbezieux et de renforcer la coopération entre les deux établissements. Peut-on y parvenir autrement ? Avec les éléments qui ont été porté à notre connaissance je ne le crois pas.
Je suis intimement convaincu que les difficultés de relation entre les individus, qui sont violemment rapportées par Henri Guidicelli dans son rapport comme les causes de la situation bloquée d’aujourd’hui, ne sont en fait que la conséquence de l’incohérence du projet de l’ARH et de la direction de l’hôpital et de son management.
Je souhaite que le délai de six mois fixé par le directeur de l’ARH aboutisse à son terme à l’écriture d’un projet médical de territoire ambitieux pour le Sud Charente où une chirurgie unifiée entre Girac et Barbezieux optimisera l’utilisation du bloc opératoire de Barbezieux.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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