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La vie en vert.

Comme tous ceux qui ont l’heur de figurer sur la mailing list de Jean Yves Le Turdu, j’ai reçu avant-hier sa toute dernière réflexion consacrée au Revenu de Solidarité Active (RSA). Vous pouvez en prendre connaissance en cliquant ici. Il ne me revient pas vraiment le rôle de compléter auprès de vous la diffusion de sa pensée politique, mais le secret espoir de voir Jean Yves conduire en Charente une liste verte pour les élections régionales l’an prochain m’incite sans doute à faire un peu sa promotion. Et puis comme il n’est pas si fréquent en Charente de pouvoir lire l’opinion argumentée d’un élu, j’ai envie de saluer l’exercice.

 

J’apprécie évidemment que Jean Yves partage ce qui est quand même le premier objectif du RSA, garantir à tout bénéficiaire du RMI une amélioration de son revenu dès lors qu’il trouve un emploi, même à temps très partiel. Evidemment c’est à peu près tout ce que notre élu régional vert s’autorise à apprécier dans ce dispositif qu’il réduit plus loin au rang « de petite étape charitable insatisfaisante » et de « vernis social qui permet la fuite en avant productiviste ». Je comprends au passage qu’avec une telle prose il ait quelque raison d’en vouloir aux jeunes pop de s’être approprié le rôle des « révolutionnaires » (voir le lien en bas de sa page 2).  

 

L’humanisme de notre prédicateur vert le pousse à prôner tout à la fois la décroissance, le revenu minimum d’existence, l’agriculture bio créatrice d’emplois, la fin des heures supplémentaires. Tout cela évidemment pour mettre un terme à l’exclusion et recentrer les politiques sur l’individu et construire enfin une société plus juste, plus idéale. Bien que chacun de nous puisse librement faire le choix pour lui-même de la décroissance de sa consommation, de la réduction de son temps de travail et de ses revenus, de consommer bio, voire même de produire bio, je constate que la majorité des comportements ne vont pas dans ce sens. C’est pourquoi il me semble indispensable que Jean Yves défende ce programme devant l’électeur pour en mesurer concrètement l’adhésion populaire.

 

Pour ce qui me concerne, je me perds un peu dans cette profusion programmatique tous azimuts dont j’intuitionne une certaine incohérence systémique, pour parler poliment. 

 

Prenons l’exemple des heures supplémentaires dont Jean Yves ne cesse de dénoncer ce qu’il considère être un effet pervers sur l’emploi. J’ai évidemment un avis tout à fait opposé au sien, dont la logique comptable imparable devrait pourtant faire douter toute personne qui comme lui assène par ailleurs que la vie n’est pas que de la mathématique.

En économie de marché l’activité est tout sauf constante et régulière. Dans le même temps chaque individu aspire à une certaine régularité, une certaine constance dans son rythme de travail et pour ses revenus. L’heure supplémentaire c’est ce que l’on s’autorise en premier dans une entreprise petite ou grande, comme dans la vie quotidienne, pour accompagner les variations d’activité temporaires qui ne peuvent pas se régler par les formes multiples d’annualisation du temps de travail. Le recours à ces heures peut aussi être plus constant lorsqu’il est difficile de recruter ou lorsque la motivation des salariés le nécessite. Et pourtant comme elles coûtent plus chères que les heures normales, dès lors que l’activité récurrente permet d’envisager la création d’un poste supplémentaire et si l’offre de main d’œuvre le permet, la décision de recruter est le plus souvent prise. Parce que cela permet de faire entrer de nouveaux talents, d’insuffler un dynamisme précieux pour améliorer l’efficacité de la boutique tout en améliorant la qualité des biens et des services apportés aux clients. C’est ce qui fonde la réussite de toute entreprise. D’autres cas de figure peuvent aussi se présenter. Certains salariés considèrent que travailler plus de 35 heures pour gagner plus n’est pas insupportable et certains employeurs font le calcul que le surcoût apparent des heures, appelées supplémentaires depuis peu, n’est pas déterminant au regard de l’efficacité d’un plein temps plus long. Parce que rien n’interdit, bien heureusement, de faire le choix dans une entreprise et quelle que soit sa taille d’une durée effective moyenne supérieure à 35 heures. Et puis quand des réductions drastiques d’activité surviennent, comme c’est le cas depuis quelques mois maintenant, l’entreprise amortit mieux le choc si elle peut diminuer ou réduire les heures supplémentaires plutôt que si elle doit s’engager dans des licenciements autrement plus traumatisants. Les arguments ne manquent pas pour justifier des durées variables du temps de travail, quelles que soient les activités, salariées ou non, et démontrer l’extrême naïveté des théories mécanistes du partage du travail. Contrairement à l’idée reçue, les heures supplémentaires comme tous les dispositifs qui permettent de donner de la souplesse et de la réactivité sont créateurs d’emplois dans la mesure ou ils permettent de maintenir et développer des activités qui sans cela ne verraient pas le jour ou seraient rapidement vouées à disparaître. Quiconque veut se donner la peine de comprendre humblement comment ça marche comprend vite que la réalité est plus complexe qu’il n’y parait au premier abord.

Les croyances ont quand même la vie dure. Je me souviens que ma première discussion avec Jean Yves, peu après son élection, à la foire exposition de Barbezieux concernait déjà le partage du travail. Alors que je lui disais que les 35 heures n’avaient pas résolu le chômage en France, il m’avait répondu que c’était parce que le temps de travail n’avait pas assez été réduit.   

 

Le plus grand frein à l’emploi c’est finalement cette idée qui prospère chez Jean Yves encore aujourd’hui, comme en son temps chez De Robien, puis ensuite chez Martine Aubry, selon laquelle on peut réduire le chômage en partageant le travail existant à un moment donné entre de plus nombreux travailleurs. C’est exactement le type de fausse évidence qui ne résiste pas bien longtemps à l’expérience vécue de tout créateur d’activité. C’est en cela que je considère que le succès du statut de l’auto entrepreneur est une véritable chance pour notre société en ce qu’il permet à de plus en plus de personnes de vivre autrement le temps de travail, la création de biens et de services et qui de ce fait parlent de la vie en d’autres termes que ceux qui sont artificiellement très loin du marché et de ses contraintes. Parce que dans la vie comme en économie seule l’expérience du marché, sous toutes ses formes de relations et d'échanges entre les individus, permet de se libérer des dogmes qui ratatinent l’intelligence et la liberté.         

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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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B
pas un mot sur les jeunes de - 25 ans, c'est dommage M.HIRSCH a compris et y réfléchit
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V
Maintenant que la Marie a été assomptionnée, sainte Laurence reprend du poil de la belle...
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L
N’oublions pas que le RMI, dès l’origine, liait étroitement le versement de l’allocation à l’insertion des personnes, or sur cette partie insertion, ce fut un échec. Et le RSA a été travaillé à partir de ce constat de l’échec du I de RMI. Le RSA a pour grande ambition de « concourir à l’impératif national de lutte contre la pauvreté et les exclusions », on peut penser que c’est insuffisant, mais en tous cas, le cadre est clairement posé.Deux nouvelles étapes sont priorisées dans le RSA ; l’orientation (freins à l’emploi –sociaux, santé … -et atouts) et l’accompagnement (social, santé, vers et dans l’emploi) par un référent unique. Le dispositif de Hirsch est innovant sur la forme ; il définit les grands objectifs et le cadre à respecter mais laisse aux collectivités la liberté de sa mise en œuvre, et sur le fond puisqu’il intègre les notions d’accompagnement VERS et (nouveauté) DANS l’emploi. Le pari est audacieux, penser que nos lourdes machines (pôle emploi, départements, prestataires …qui ont vécu l’échec du RMI) vont bouleverser leurs pratiques et faire évoluer suffisamment leurs modes de pensée pour parvenir ensemble à accompagner globalement et dans la durée la personne pour l’intégrer dans la société de manière durable et en adéquation avec ce qu’elle souhaite. Superbe ambition en fait !<br /> JYLT est plutôt négatif sur ce nouveau dispositif, « petite étape charitable insatisfaisante ». Quand l’idéal - une société sans pauvreté et sans exclusion- n’est pas atteignable à court terme, il faut proposer des étapes de progrès, parce que faire rêver de l’impossible tout le monde en est capable mais avancer par étape vers cet idéal demande beaucoup plus de courage, de motivation et d’abnégation.  Enfin JYLT n’évoque à aucun moment le coût social de ce nouveau dispositif, ce coût social que nous supportons tous et qui nous fait espérer que cette merveilleuse idée d’Hirsch fonctionne déjà (rsa= 1er juin 1009)!
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F
Bonjour Daniel,A propos du partage du travail, il me semble qu'il faut distinguer trois sens à cette expression. <br /> <br /> Qu'il soit très naïf de vouloir partager une quantité de travail donnée entre davantage de travail est trop évident: cela ne s'appelle pas partager le travail, mais partager la pénurie.<br /> Il y a toutefois un problème de partage qui doit nous préoccuper: entre les générations. Tout se passe comme si la génération active faisait tout pour empêcher les plus jeunes et les plus vieux de travailler. En particulier, une partie de l'activité économique repose sur l'exploitation de jeunes diplomés stagiérisés. Partager le travail c'est partager les revenus du travail... pas travailler pour rien. <br /> Une autre piste: partager la dénomination de "travail" avec des activités socialement utiles.<br /> <br /> Le travail est ce qui nous inclut. Rousseau disait que "l'homme rentre dans la société par le travail". Sans doute le "partage arithmétique du travail" n'est qu'une ânerie (elle aurait pu avoir des effets moins dramatiques si l'on avait écouté Michel Rocard qui proposait des solutions pour éviter les effets de seuils). Les gens que l'on a privés de la possibilité de payer leurs traites par des heures sup s'en souviendront longtemps... Mais il faut néanmoins continuer à partager le travail en un autre sens: partager l'activité socialement utile, partager la vie commune active, faire oeuvre ensemble.Spontanément, l'homme a du mal à travailler... "c'est encore la paresse qui nous rend laborieux" (encore Rousseau). C'est en particulier le travail des enseignants d'apprendre tant bien que mal cette seconde nature aux enfants, dans une société ou l'on partage le sens du divertissement plus que le sens du travail. Alors ne parlons plus de partage du travail... mais continuons à parler de partager le sens, le goût, et la valeur du travail.Une réflexion sur la représentation catastrophique du travail véhiculée grâce/à cause des "stages" des jeunes diplômés me semble urgente. On ne peut pas ici être payé pour travailler et là ne pas l'être.b 
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D
<br /> <br /> Bonjour François,<br /> j'adhère sans réserves aux deux derniers paragraphes de ton commentaires.<br /> <br /> <br /> <br />