27 Avril 2009
Ce n’est qu’avant-hier que j’ai enfin pu apprécier les nouvelles conditions d’accueil et de confort du cinéma Le Club à Barbezieux. Après seize mois de travaux, il a rouvert ses portes le week-end dernier et un très nombreux public s’est déjà précipité dans les deux salles obscures toutes neuves de la ville. C’est dans la plus petite des deux que le film « L’année de la jupe », avec Isabelle Adjani, était projeté. Ça valait le coup d’attendre tout ce temps. La qualité de projection est bien meilleure qu’avant, tout comme le son, le confort des sièges et la régulation de la température. Une ambiance parfaitement feutrée pour lever les yeux et regarder un film sur grand écran. Parce que c’est bien dans ces conditions que la magie du cinéma opère vraiment. Christine Henquel, l’indispensable et dévouée présidente de Cinémania, me disait hier soir que « L’année de la jupe » produit (ou coproduit) par Arte avait été montré à la télévision avant d’être diffusé en salle. Même avec un grand écran plat et de bonnes enceintes je ne crois pas que j’aurais ressenti et apprécié cet excellent film avec la même intensité que dans cette salle de cinéma. J’ai pu vérifier une nouvelle fois hier dans la plus grande des deux salles qu’un film comme « Safari » que j’aurais zappé allègrement s’il m’était proposé sur petit écran bénéficiait aussi d’être vu dans ce lieu magique, en compagnie d’un large public et après le rituel de la file d’attente et du passage à la caisse.
La vie à Barbezieux et sur le territoire de la communauté ne serait décidemment pas tout à fait la même sans un cinéma comme Le Club tel qu’il est maintenant, sans la possibilité d’apprécier le septième art en salle.
Quand je suis devenu président de la communauté de communes des 3B j’ai eu très vite envie de soutenir et de mettre en œuvre ce projet de rénovation complète du cinéma imaginé par l’atypique gérant de l’époque, Fabien Ombreux. Ce cinéma appartenait à la commune de Barbezieux et au printemps 2003 lorsqu’avec l’équipe dirigeante des 3B nouvellement élue, après la crise sévère que l’on sait, nous avions rencontré le conseil municipal de la ville il nous avait été signifié qu’aucun transfert vers la communauté n’était souhaité par la commune. C’est ainsi que la première modification des statuts pour mieux définir l’intérêt communautaire, c'est-à-dire la ligne de partage entre ce qui relève des communes et ce qui doit être assumé par la communauté, n’avait permis que deux prises de compétences nouvelles, si ma mémoire est bonne. C’est bien en 2003 que les communes ont choisi de s’engager ensemble dans un projet « petite enfance » et dans l’accueil, l’information et la promotion touristique. En revanche dès janvier 2004 la commune de Barbezieux a fait part de son changement d’orientation et a délibéré pour demander à la communauté de communes d’étudier la possibilité de se rendre responsable du château, du centre équestre, de la piscine et du cinéma. Ce qui fût fait et a conduit en fin d’année 2004 au transfert à la communauté de ces équipements.
Pour bien préparer les transferts avec les délégués des communes, je me souviens de ce samedi du printemps 2004 consacré aux visites des équipements qui nous avait conduit tôt le matin dans la grande salle du cinéma Le Club pour une présentation par Fabien Ombreux de son activité, du contexte régional et national et bien sûr des perspectives possibles pour ce cinéma à Barbezieux. Bien qu’encore très jeune exploitant, il parlait avec autorité et pédagogie des enjeux du cinéma en milieu rural et démontrait par la même occasion l’atout que son talent représentait pour notre territoire. Il apparaissait clairement aux élus que si le cinéma de Barbezieux leur semblait encore en assez bon état, il perdait en attractivité comparativement aux complexes de villes comme Angoulême, bientôt de Cognac (dont la réalisation est finalement repoussée sine die) et forcément aussi vis à vis de Jonzac dont la rénovation était alors engagée. Fabien avait terminé sa présentation en proposant aux élus de s’engager dans une rénovation et un agrandissement pour passer à trois salles et augmenter ainsi l’offre de films pour le public. La transformation avait naturellement aussi pour but d’améliorer le bilan énergétique du bâtiment, d’agrandir les écrans, mettre plus de distance entre ceux ci et les premiers sièges, donner plus d’espace pour chacun des spectateurs et réussir l’ergonomie de l’accueil et de la salle de projection pour permettre à une personne seule d’assurer le fonctionnement de l’ensemble. Sans oublier bien sûr un comptoir pour la vente de friandises conformément aux normes de consommation made in USA qui permettent de donner meilleure figure au compte de résultat de l’exploitant qui, sans cela, est presque condamné à n’avoir qu’un rôle de percepteur de taxes, d’impôts et de rémunérations diverses à l’exception de la sienne. J’ai compris cela après que dans la plus totale transparence ce jeune chef d’entreprise m’ait initié à l’économie bien spécifique de son activité. C’est donc en étant tout à fait conscients du projet dans lequel allait s’engager la communauté que les délégués puis les conseils municipaux ont approuvé la prise en charge du cinéma Le Club à la fin de l’année 2004. Un équipement comme celui-ci, mais c’est vrai aussi de tous les autres, n’a d’intérêt et ne peut rendre les services attendus que si ceux qui ont la charge de le faire vivre et de l’animer ont tous les talents nécessaires et une aura particulière. Cinémania et ciné lycée sont deux associations qui ont en ce sens beaucoup compté pour motiver les élus dans leur engagement tant ils ont œuvré avec assiduité pour donner envie à la population de venir voir des films en suscitant de nombreux évènements et animations en partenariat avec l’exploitant. C’est aussi pour cette raison que j’ai forcément ressenti une certaine inquiétude lorsque Fabien m’a appris, peu de temps avant que le conseil ne se prononce, qu’il avait l’opportunité de reprendre un cinéma à fort potentiel dans sa ville d’origine dans l’est et qu’il voulait la saisir et donc s’éloigner de Barbezieux. Passé quelques instants de tristesse pendant lesquels on se dit que ce sont toujours les meilleurs qui partent, nous sommes convenus ensemble de « positiver » ce nouveau challenge de Fabien et nous nous sommes montrés très optimistes sur la personnalité du nouvel exploitant qui allait reprendre sa société, cela bien que nous ne le connaissions pas encore. Olivier Renoir avait un nom prédestiné, une bonne formation technique et de vraies intuitions pour faire des entrées en choisissant la programmation des films. Mais ce n’était pas suffisant. Plus tard dans le même temps où le projet de rénovation trouvait ses financements et que la phase concrète des travaux allait commencer nous avons fait un appel à concurrents pour légaliser la délégation de service public et choisir l’exploitant qui allait se voir confier la gestion du nouvel équipement. La situation économique très dégradée de la société d’Olivier Renoir qui résultait selon moi de graves lacunes de gestion, mais aussi l’appréciation portée par la communauté sur l’entretien des locaux et du matériel qui lui étaient confiés disqualifiaient clairement cette candidature. Bien heureusement, Julien Deseuvre, un autre très jeune candidat particulièrement prometteur et familialement bien soutenu a pu être retenu et ce que j’ai pu voir de me yeux depuis deux jours de son début d’activité à de quoi confirmer l’enthousiasme du comité de sélection.
Le Centre National du Cinéma dont le soutien était fondamental pour déclencher les autres financements nécessaires (Etat, Région, Département, fonds parlementaires) nous a fait savoir que la commission chargée d’étudier notre projet ne validait pas la création d’une troisième salle. C’était pourtant l’une des principales motivations du projet. Mais plutôt que de nous obstiner sur notre première idée nous avons représenté un projet à deux salles qui a été validé et financé lors de la deuxième présentation devant le CNC. Les autres financements ont suivi. La partie restante autofinancée par la communauté pouvait en grande partie être couverte au fil du temps par la part de recettes collectée sur la vente des futures places de cinéma qui peut être réattribuée au collecteur pour investir. Au final malgré une dépense totale élevée le coût assumé par la communauté devait être à l’arrivée assez minime. C’était sans compter avec les surprises habituelles sur les chantiers de ce type, d’autant plus quand l’architecte maître d’œuvre est plus artiste que carré et solide administrativement. Patrick Gauneau et Jacques Chabot mon successeur et surtout le directeur Arnaud Latour comme Sylvie Cot et toute l’équipe ont pour cela eu du fil à retordre depuis un an pour mener à bien cette opération. Les spectateurs qui jouissent maintenant de ce beau cinéma tout neuf n’imaginent pas à quel point leurs nerfs ont été mis à l’épreuve. Pour ce qui me concerne je les félicite et je me félicite de leur travail et de leur courage. Au total il aura fallu en tout six ans pour obtenir ce résultat. J’imagine facilement qu’il soit difficile au non initié de comprendre pourquoi il y a eu autant de longueurs dans ce film...
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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