2 Février 2009
François Chéreque, au cours de l’émission Ripostes de ce soir, a clarifié les revendications qui lui semblent prioritaires et urgentes à traiter à la suite de la manifestation de jeudi. Aucune ne trouvera de solution rapidement. Parallèlement au chômage qui va augmenter, il propose de favoriser l’accès à des formations pour ceux qui vont perdre leur emploi. De nombreuses entreprises vont connaître des difficultés et seront menacées de disparition et selon le leader de la CFDT, il faut à tout prix relancer l’activité pour limiter les fermetures. Les questions sont évidemment très pertinentes mais les réponses directement efficaces ne sont pas trouvées à ce jour, en dehors d’un endettement complémentaire pour financer des équipements et des infrastructures publiques, ce qui est l’objet principal du plan de relance qui se met en œuvre. Selon lui aussi, l’emploi public doit rester à un niveau élevé, un coup de pouce au pouvoir d’achat doit être accordé et les exonérations de charges sur les heures supplémentaires doivent être suspendues. Par cette dernière mesure selon Chéreque l’on ralentirait les réductions d’effectifs dans les entreprises.
De plus cette disposition de la loi TEPA est la plus emblématique du « travailler plus pour gagner plus » caricaturée comme une mesure d’injustice sociale parce qu’elle donne plus à ceux qui ont déjà beaucoup selon ses détracteurs. Et puis comme le soutient la CFDT elle favorise le chômage aujourd’hui.
Qu’en est-il réellement ? Une hausse du nombre d’heures supplémentaires a bien eu lieu depuis la loi TEPA mais elle demeure modérée. L’explication est pourtant très simple à donner. Le coût des heures supplémentaires pour l’entreprise a peu baissé et le recours à cet allongement de la durée du travail se justifie comme avant par des motivations d’organisation du travail, de levier d’augmentation du salaire net des salariés, d’optimisation des équipements bien plus que par l’attractivité économique supposée de ces heures supplémentaires pour l’employeur. Si elles ne coûtent plus exactement 25% de plus, selon la taille de l’entreprise elles coûtent toujours bien plus qu’une heure normale. En fait le coût pour le budget de l’Etat est essentiellement lié à l’absence de retenues de charges sociales pour le salarié sur ces heures supplémentaires, sans perte de droits, ainsi qu’à la non imposition sur le revenu du salaire net issu de ces heures. Ce qui signifie que la suspension de la mesure touchera directement le revenu des salariés concernés et très peu les entreprises qui y ont recours. Pour tous ces salariés, qui comptent parmi les plus modestes, ce n’est pas une amélioration de leur pouvoir d’achat qui leur est proposée mais bien une nette baisse. J’imagine facilement l’enthousiasme de mes délégués du personnel si je dois un jour leur annoncer cette avancée sociale.
Selon moi ces transferts par les tuyaux de l’Etat sont malgré tout absurdes évidemment. La catastrophe a commencé avec la loi de Robien qui favorisait la réduction du temps de travail par des aides d’Etat et donnait déjà corps au raisonnement absurde du partage du travail pour diminuer le chômage. Le coup mortel (et non pas « le clou rouillé » comme je l’ai lu encore récemment sous la plume de quelque démagogue) a été donné par Martine Aubry avec la loi sur les 35 heures. Grâce à des aides d’Etat on subventionnait les entreprises pour qu’elles réduisent le temps de travail sans baisser les salaires mensuels et sans trop augmenter le coût de l’heure de travail. Une vision mécaniste du monde ou l’individu est assimilé à une machine interchangeable et programmable sur injonction. Et depuis deux ans pour que nos entreprises restent compétitives dans un monde ouvert, on incite les salariés à travailler plus, si les employeurs le proposent, par de nouvelles aides d’Etat. Ceci pour réhabiliter le goût du travail et relativiser la nouvelle normalité d’une durée hebdomadaire de travail à 35 heures.
Mais je ne suis pas sûr qu’il faille engager tout de suite une refonte générale de cette logique de shadock pourtant indispensable.
La recette pour sortir le plus rapidement possible de la crise et plus fort après qu’avant selon moi est toujours la même. Nous devons soutenir un « réengineering » (autre mot pour réforme) global de notre organisation collective pour la meilleure efficacité au meilleur coût et avec le seul effectif nécessaire pour libérer le maximum d’énergies et de travailleurs pour créer de nouvelles offres de produits et de services. Personne n’en a spontanément envie parce qu’il faut pour cela évoluer, changer, se remettre en question, mais la crise ne nous donnera sans doute pas d’autres choix.
A moins que le nouveau parti anticapitaliste du facteur, allié à Jean Luc Mélenchon, aux altermondialistes de Porto Allègre, à Ségolène Royal, à la philosophe éthérée que j’ai entendue samedi matin sur France Inter et dont j’ai oublié le nom et à tous les autres qui disent qu’un autre monde est possible, ni libéral, ni capitaliste bien sûr, commencent à nous dire de quoi il retourne. Pour l’instant on a bien compris le monde qu’ils ne veulent plus, mais qui les nourrit assez bien encore, en revanche ça fait des années maintenant que le vide programmatique tarde à se combler. Enfin Olivier Besancenot à qui Moati demandait le programme disait ce soir à Ripostes qu’il s’intéressait de près à certaines expériences d’Amérique du Sud, Chavez par exemple. En ce sens je confirme, un autre monde est possible, le pire.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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