23 Octobre 2008
Le préfet de la Charente, François Burdeyron, a installé ce matin dans le grand salon de la préfecture la Commission Départementale de Coopération Intercommunale pour les six ans à venir. Coïncidence du calendrier, hier, le président de la république a installé à l’Elysée le comité Balladur pour la réforme des collectivités locales en annonçant clairement qu’il ne s’agissait pas de faire un rapport de plus, mais bien de proposer des solutions pertinentes et audacieuses et que les décisions suivraient. L’annonce faite à Limoges était donc tout sauf anodine. 2009 sera bien l’année tant attendue de l’amélioration de l’organisation territoriale du pays. L’enchevêtrement des compétences et des interactions est devenu tel que les surcoûts et l’inefficacité participent de plus en plus à la baisse de compétitivité de la France vis-à-vis de la plupart des autres pays de même catégorie. Plus grave encore, le brouillage des responsabilités qui en découle désoriente les citoyens et affaiblit notre démocratie.
Quelque soient les évolutions à venir, il est au moins deux objectifs définis par la précédente CDCI qui doivent aller à leur terme.
Le premier, l’achèvement de la carte intercommunale, c'est-à-dire l’adhésion à une communauté de toutes les communes encore isolées, est quasi programmée à ce jour avec une date butoir en 2014, c'est-à-dire à la fin de cette mandature. Pour la Charente il s’agit de 22 communes sur 404, c'est-à-dire peu et en fait la moitié moins de la moyenne nationale. Ça ne devrait être trop difficile à atteindre en un peu plus de cinq ans.
Le deuxième objectif poursuivi concerne la réduction drastique des syndicats intercommunaux qui n’ont plus aucune utilité ou compétences et dont l’activité relève d’une autre intercommunalité ou peut aisément être reprise par elle. J’ai bien vu que les collaborateurs proches du préfet n’ont pas pu se retenir de sourire quand le sujet été abordé. Les déclarations récentes du patron ont secoué durement dans les campagnes. Mais le préfet a quand même joyeusement annoncé à l’assemblée qu’il ne retirait rien à ce qu’il avait dit malgré les remous provoqués, indiquant que près de deux ans après que la précédente CDCI ait pointé le problème et comme rien ou presque n’avait été fait depuis, il était temps qu’il aiguillonne un peu vivement les élus. En fait ce n’est drôle qu’en apparence. Puisque cela signifie quand même qu’il ne se trouve pas chez les élus assez de courage réformateur ou suffisamment de sens de l’intérêt général pour montrer l’exemple de la rationalisation de notre organisation collective. Et quand on n’a pas de courage pour les petites choses faut pas s’attendre à des miracles pour les enjeux majeurs. Quand un préfet à matière à distribuer ce type de baffes dans un département c’est qu’il y a une carence politique locale assez grave.
Rien n’est définitif et cela peut et va changer. Pour autant il me semble que cela doit quand même tempérer le troisième objectif qui concerne l’agrandissement des communautés de communes ou d’agglomération trop petites. Le préfet continue d’a ficher le périmètre du pays comme objectif à atteindre pour les intercommunalités. Nous verrons bien quelles seront les propositions de réformes structurelles pour l’intercommunalité en 2009, mais si le fonctionnement démocratique ne change pas significativement et si nous restons dans la logique d’une coopération intercommunale, le nombre de communes regroupées ne doit pas être trop élevé. De plus il me semble contre productif pour l’Etat d’afficher des objectifs trop ambitieux alors qu’il n’a quasiment aucun moyen d’imposer quoique ce soit et que les décisions n’appartiennent qu’aux élus. Pour les élus du territoire engager et réussir une fusion de deux communautés est d’une difficulté politique extrême et il faut une volonté et une pédagogie infinie pour réussir l’exploit. Encore plus maintenant que les maires et les conseillers municipaux ont une expérience vécue de l’intercommunalité.
Il me semble que le préfet a senti le piège quand Jean Yves Ambaud qui préside le syndicat mixte du pays Sud Charente a rebondi sur sa proposition d’un périmètre pays pour l’intercommunalité en indiquant qu’il valait peut-être mieux tout suite mettre à l’étude une fusion des cinq communautés du pays Sud Charente plutôt que de passer trop de temps à ne se préoccuper que des quatre plus petites. Alors que sept communes sur trois de ces petites communautés de communes ne rejoindront une communauté qu’à la dernière minute, dans cinq ans, et que les fusions envisagées peinent à avancer, afficher cet objectif est le meilleur moyen de ne rien faire et de maintenir le statut quo. Dans ce contexte, afficher en plus un projet de SCOT pour le pays Sud Charente m’exaspère au plus haut point. Alors que les présidents de communauté du Sud Charente que je rencontre me disent qu’il n’en est pas question j’entends celui qui est censé les représenter tenir un tout autre langage. En fait l’auto allumage du pays continue comme par le passé en se souciant comme d’une guigne de la volonté des communautés qui le compose. Et comme par le passé, même si personne n’en veut, par le miracle de ces grandes assemblées ou l’on peut faire adopter à peu près n’importe quoi, des décisions complètement contraires à la volonté des membres peuvent être prises. Heureusement en matière de SCOT il faut la compétence et là le processus démocratique à suivre ne m’inquiète pas le moins du monde.
Il semblerait que gauche et droite confondus aient quasiment décidés maintenant de faire assumer les fonctions du pays à l’intercommunalité. Et c’est ça la bonne nouvelle. Le premier frein à l’achèvement de la carte intercommunale et au regroupement des petites communautés c’est souvent le pays, en tout cas c’est très vrai pour le pays Sud Charente. Sans le pays et avec l’obligation d’être assez grand pour contractualiser avec les partenaires, la stimulation au regroupement changerait de vigueur. On m’objecte que pour certains travaux, mêmes grandes, les communautés seraient souvent trop petites. Il faut savoir que cela se résout partout très bien par la coopération des communautés entre elles sans avoir besoin pour cela d’un syndicat mixte. Il suffit à l’une des communautés d’assurer la maîtrise d’œuvre et de recevoir pour son portage la participation des autres. Cela permet des partenariats différents selon les projets.
Un syndicat mixte à qui l’on donne la fameuse reconnaissance pays devient par la logique des intérêts des hommes un étage administratif et politique, et cela malgré la prévention de ce risque rappelé sans cesse par le législateur. A l’heure ou la spécialisation des compétences et des ressources vient en force à l’ordre du jour il y a urgence à ce que Etat, Région, département contractualisent directement avec les communautés sur la base de leur projet propre sans passer par les pays. Les syndicats mixtes peuvent être maintenus, mais dans ce cas ils ne doivent recevoir de l’argent que de leurs membres. On est sûr comme cela que ce qu’ils feront correspondra pile poil à leur volonté.
Bon je me suis un peu lâché sur la fin, mais ce n’est que pour mieux vous faire réagir.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
Voir le profil de Daniel Sauvaitre sur le portail Overblog