15 Février 2006
Si j’ai bien compris le message je dois entrer dans le débat sur l’emploi et cesser de me distraire. Ce n’est bien entendu pas l’envie qui me manque puisque c’est vraiment le sujet qui me passionne. La difficulté qui me fait hésiter c’est que je ne sais pas comment en parler de façon compréhensible sans être simpliste. Essayons quand même. Trois bons articles ce week-end ont abordé le problème énergiquement. Un de Paul Fabra dans les échos de vendredi, un autre de François D’Orcival dans le Figaro magazine et puis un troisième de Michel Godet dans ce même journal. Ils me donnent une nouvelle fois cette pénible impression que les causes du trop faible taux d’activité dans notre pays sont bien connues et énoncées mais qu’elles sont trop opposées à nos souhaits et à nos croyances collectives pour pouvoir être mises en œuvre. Je me risque à rappeler avec eux quelques évidences. Comme par exemple que le travail existe potentiellement à l’infini. Et puis que le travail répondant (à peu près) aux normes de notre droit (conventions collectives, contrats, code du travail, rémunération) ne concerne que 60% de la population en âge de travailler, soit plus de 10% de moins que la moyenne des pays européens et en tout cas le plus faible taux des pays de l’OCDE. Le prix à payer pour ce faible taux d’activité c’est beaucoup trop de prélèvements appliqués aux travailleurs en activité, un coût de revient élevé pour l’origine France malgré des revenus du travail plutôt faibles et surtout un coût humain désastreux pour une société. Et comme le rappelle Michel Godet c'est à mettre en perspective avec un PIB qui a doublé depuis 1975 alors que dans le même temps le chômage a été multiplié par quatre. Plus on resserre le cadre qui définit le travail, plus il est difficile d’y faire entrer tous les individus, dont un nombre de plus en plus grand n’atteint pas ou plus la norme. Après les impressions trompeuses du début, les 35 heures se sont révélées être de ce point de vue une formidable machine à exclure les plus faibles, les plus lents et les moins qualifiés d’entre nous. L’exigence de productivité que le pays s’est donné par la réduction du temps de travail a mis un coût d’accélérateur pour bouter avant l’heure hors de nos frontières trop de travail non qualifié qui aurait bien entendu été quand même perdu à terme. Mais avec plus de temps les transformations réussissent mieux. Les individus ne sont pas malléables comme des machines et l’adaptation par la formation à l’évolution des métiers nécessite beaucoup de temps. On perçoit la quadrature du cercle. Pour ne pas toucher au cadre il faut des employeurs et des salariés hyper talentueux, formés pour faire la course en tête et prendre la part la plus rémunératrice du travail mondial. Ça nécessite une organisation de l’éducation et de la formation hyper productive. Mais c’est cher et les moyens du pays sont devenus limités. Il faut surtout pour cela une envie et une culture qui ne s’achète pas et que nous n’avons sans doute pas. A l’opposé toute tentative de toucher au cadre est rejetée, aussi légère soit-elle. Le CNE pour les entreprises de moins de 10 salariés et le CPE pour les jeunes de moins de 26 ans sont perçus comme une épreuve injuste imposée aux salariés et comme un cadeau fait aux employeurs qui abuseront de la situation précaire des titulaires de ces contrats. Les employeurs concernés par ces perspectives d'abus ne sont pas vraiment pénalisés aujourd’hui par les CDI ou les CDD classiques. En revanche peut-être qu’il pourra y avoir une levée d’inhibition chez tous ceux qui hésitent par trop de prudence à embaucher. La dynamique que tout employeur connaît bien quand arrive dans l’entreprise un jeune avec une énergie nouvelle permettra, il faut l'espérer, de doper l'activité et l’emploi. Il faut passer les portes des entreprises pour se rendre compte que ce n’est pas forcément toujours l’enfer que l’on se plait à décrire. Je suis toujours surpris d’entendre parler de l’emploi par ceux qui dénoncent notre société trop inhumaine en termes macro-économiques, mécanistes ou mathématiques: partage du travail, relance par la demande, grands chantiers ou des salariés comme d'une masse uniforme. Les fondements de l’emploi sont au contraire pour l’entreprise la création, l’innovation, l’envie, le travail, la passion. Le cadre réglementaire doit permettre l’expression de cette vie au travail, il doit assurer autant la sécurité que la souplesse. A suivre…..
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
Voir le profil de Daniel Sauvaitre sur le portail Overblog