24 Mars 2008
Samedi, lors de son installation dans le fauteuil de maire de Cognac, Michel Gourinchas a rappelé qu’il avait « eu la chance d’avoir des parents communistes » qui lui ont appris quelques valeurs comme celle « du respect de l’autre, du sens du collectif, de la solidarité et de la convivialité ». Le père présent dans la salle a du apprécier l’hommage rendu par son fils. Je note que les termes choisis sont assez proches de ceux qu’utilise Denis Tillinac lorsqu’il décrit les militants communistes de sa jeunesse en Corrèze. Etre élevé dans la religion, fût-elle laïque, aide sans conteste à construire les individus et il y a peu de contre indications quand cela se traduit par la transmission des valeurs dont nous parle Michel. Ce qui est plus troublant quand même c’est de continuer d’associer volontairement, avec des trémolos dans la voix, le communisme à ces valeurs. On me rétorquera sans doute qu’il s’agit du communisme idéal et non pas du communisme réel que l’on a vu à l’œuvre tout au long du vingtième siècle et qui usurpe parait-il l’appellation depuis l’origine. N’empêche, moi je continue d’y voir une tendresse insupportable à l’égard d’un dogme qui a eu les conséquences meurtrières que l’on sait. Un dogme tellement honorable qu’il justifiait que l’on accepte provisoirement la dictature comme passage obligé vers le paradis sur terre. C’est un paradoxe de constater qu’il est encore aujourd’hui plus difficile de promouvoir politiquement la libre pensée et à la démocratie libérale plutôt que les utopies simplificatrices. En matière de respect de l’autre et d’acceptation de la différence c’est sans doute mettre la barre un peut trop haut.
Peut-être finalement que la Chine qui redevient un client essentiel pour l’accroissement des ventes de Cognac appréciera que la ville phare du produit soit enfin dirigée par un ancien camarade. En ces temps de crise financière venue des Etats-Unis, pays qui compte encore pour près de la moitié des ventes de notre eau de vie, le choix des cognaçais est peut-être plus stratégique qu’il n’y paraît au premier abord.
La Chine est toujours une dictature et c’est le parti communiste, seul parti autorisé, qui commande. Le président depuis 2003 de cette république populaire, Hu Jintao, avait obtenu le surnom de « boucher de Lhassa » en 1988 lorsqu’il administrait le Tibet et après qu’il ait conduit une répression brutale lors de précédentes manifestations. Les évènements récents vont sans conteste confirmer cette réputation et ajouter quelques nouveaux faits d’armes au communisme réel. Mais ce ne sera sans doute pas suffisant encore pour que l’on cesse de s’attendrir sur le rêve communiste et d’en chérir le nom.
Hier dans l’émission de radio « l’esprit public », Philippe Meyer a introduit le débat sur l’attitude à avoir lors de jeux olympiques de Pékin en rappelant l’essentiel des faits. Je lui emprunte son texte.
Lundi 10 mars, des manifestations contre le pouvoir chinois ont commencé à Lhassa, la capitale de la Région autonome du Tibet, à l’occasion
de la commémoration annuelle du soulèvement tibétain de 1959 contre le régime communiste. Quatre jours plus tard, elles tournaient à l’émeute, qui s’est étendue à d’autres provinces du pays. Un
rassemblement de plusieurs milliers de moines a été réprimé dans le sang dimanche 16 mars dans le Sichuan ; le 18, l’envoyé spécial d’une télévision canadienne filmait une manifestation de
Tibétains à cheval, dans le Ganzu.
Selon un bilan officiel des autorités chinoises, les affrontements entre Tibétains et forces de l’ordre auraient fait 13 morts, chiffre que les associations de Tibétains en exil contestent,
évoquant une centaine de victimes, dont 19 manifestants tués par balle. Les journalistes étrangers, à qui l’accès est au Tibet est interdit, connaissent également de grandes difficultés dans les
provinces voisines.
Le dalaï-lama, leader spirituel des bouddhistes tibétains – qui, depuis la répression de 1959, vit en exil à Dharamsala, petite
ville indienne au nord de Delhi, a été accusé par le premier ministre chinois Wen Jiabao d’être à l’origine des incidents. Fidèle à sa posture pacifiste, il a assuré qu’il n’avait aucune prise
sur la situation sur place, avant d’ajouter qu’il n’excluait pas de quitter ses fonctions si la situation devait se dégrader. Le chef tibétain ne demande pas l’indépendance du Tibet mais son
autonomie. Alors que l’année 2002 avait été marquée par une reprise de contacts directs avec la Chine au sujet d’une « large autonomie culturelle » du Tibet, le dalaï-lama considère que « les
autorités chinoises continuent d’agir d’une manière que l’on peut qualifier de comportement inhumain… La langue, les coutumes, les traditions du Tibet sont en train de disparaître ».
La répression tibétaine attise par ailleurs le malaise lié à l’organisation des Jeux Olympiques à Pékin cet été, et pose la question de leur boycott. En février, Steven Spielberg annulait sa
collaboration à la cérémonie d’ouverture, en raison de la position de la Chine dans la crise au Darfour. Wei Jingseng, dissident chinois aux Etats-Unis, déplore dans une tribune publiée notamment
dans Le Monde, le fait que « Jacques Rogge, président du Comité internationale olympique, refuse – en totale contradiction avec "l’esprit olympique" – de prendre position contre la répression
actuelle menée par le gouvernement chinois à l’encontre des protestataires tibétains ». La flamme olympique devrait traverser le Tibet, au mois de mai prochain.
Un peu plus tôt sur France Inter Robert Badinter expliquait que selon lui le boycott des Jeux Olympiques n’est pas une bonne idée. Si l’on en croît son raisonnement la présence à Pékin de milliers d’étrangers, de journalistes et de télévisions du monde entier fera plus sûrement évoluer le régime et la cause tibétaine qu’un boycott. C’est sans doute vrai et comme le rappelle Bernard Kouchner, le Dalaï-lama lui-même ne demande pas le boycott.
Le plus douloureux me semble t-il est ailleurs. Je me souviens avoir été très en colère lorsque à l’occasion d’un passage en France, le Dalaï-lama n’avait pas pu être reçu par François Mitterrand pour ne pas contrarier Pékin qui s’oppose depuis toujours à toute rencontre avec des chefs d’Etat étrangers du chef spirituel des Tibétains, considéré comme un séparatiste en exil. C’était il y a près de vingt ans. Depuis, malgré l’interdit, Angela Merkel l’a reçu en septembre 2007 à la chancellerie à Berlin à titre privé. Un mois plus tard c’est à Washington que le Dalaï-lama a reçu des mains du président la plus haute distinction civile du congrès des Etats-Unis pour « honorer un symbole universel de paix et de tolérance ». Dans les deux cas Pékin a dénoncé une grossière ingérence dans les affaires intérieures de la Chine. En revanche depuis le début des évènements de ces derniers jours l’exception française perdure. Sans doute pour ne pas froisser Hu Jintao et préserver les 20 milliards d’euros de contrats passés avec la Chine pour la doter de deux EPR (AREVA) et de 160 Airbus. En ces temps de croissance atone et de vives revendications sur le pouvoir d’achat, comme il semble difficile de réformer pour rendre notre pays plus efficace et mieux organisé, mieux vaut encore se nourrir des immenses capitaux communistes et renoncer à fanfaronner notre idéal de liberté. Le rêve de faire passer au second plan les affaires pour soutenir partout la cause des droits de l’homme a une nouvelle fois vécu. C’est dommage de l’avoir annoncé comme une possibilité réelle et encore plus dommage de ne pas essayer juste un peu quand même.
Ah ! J’ai peut-être écrit un peu vite. J’apprends qu’un message a été adressé ce
jour par l’Elysée a Hu Jintao. En voilà la teneur : "Le président de la République appelle à la retenue et à la fin des violences par le dialogue au Tibet. Il émet le vœu
que le dialogue engagé depuis plusieurs années entre les autorités chinoises et les représentants du Dalai-Lama reprenne rapidement et s'approfondisse, afin que tous les Tibétains se sentent en
mesure de vivre pleinement leur identité culturelle et spirituelle au sein de la République Populaire de Chine".
"Le président de la République exprime la disponibilité de la France à faciliter cette reprise du dialogue, dans le cadre du partenariat stratégique
franco-chinois".
Ouf c’est déjà ça.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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