C’est après avoir lu l’article de la Charente Libre consacré au débat d’orientation budgétaire de la communauté que j’ai décidé de changer d’attitude vis-à-vis de
son auteur. Deux jours plus tard, l’article du même journaliste consacré à la réunion du pays Sud Charente à Blanzac m’a conforté dans ce projet. Et puis enfin samedi, en écoutant une discussion
entre lecteurs de CL, j’ai eu envie de m’intéresser à une photo et à quelques mots d’un portrait. L’objectif était de démontrer que pour un journal, le choix d’un terme ou d’une image n’est
jamais équivalent à un autre. Même ce qui semble le plus anodin en apparence produit des effets sur le lecteur et traduit forcément une intention. Lesquels? De cela on peut évidemment débattre à
l’infini.
J’ai déjà payé pour savoir ce qu’il en coûte d’oser commenter librement la presse sur un blog. Il suffit de feuilleter un peu les pages de celui-ci et de lire les
commentaires suscités pour le vérifier. C’est pourquoi au fur et à mesure ou l’instant de la mise en ligne des billets approchait je me préparais psychologiquement aux représailles. J’avais
prévenu ma famille, mes amis, mes associés, mes collègues, les équipes, mes conseils et mon notaire. L’heure était grave. J’allais durablement basculer dans un nouveau monde. Je devais m’attendre
à ce que ces quelques tirs de snipper isolé provoquent un tapis de bombes de la part des commentés. Je l’acceptais par avance.
Un certain nombre de souvenirs me passaient alors par la tête. Comme celui du directeur de cabinet d’un maire m’expliquant très longuement la bonne attitude à avoir
avec la presse. « Sois prévenant, donnes la primeur de l’info, séduis et entoures les journalistes de milles et une petites attentions; ça ne suffira pas bien entendu pour qu’ils prennent
ton parti » me disait-il, « faut pas rêver quand même, mais tu limiteras un peu les dégâts ». Je pensais aussi à ces mots lâchés au sortir d’une réunion par tel journaliste lançant
un « je vais vous allumer les gars », annonciateur d’une objectivité très relative. Ou ce coup de fil vengeur après un autre article lu de travers où j’avais délicatement émis une
remarque sur le choix du journaliste de mettre en avant certaines déclarations qui, de mon point de vue, ne le méritaient pas. Je m’étais alors entendu dire pendant de longues minutes, entre
autres joyeusetés, que je devenais vraiment « complètement con ». Le même encarté presse m’annonçant que j’allais pourtant faire bientôt comme tous les autres candidats aux élections.
Que j’allais le supplier servilement pour qu’il parle de moi dans le canard local, puisque malgré mes démentis chacun savait bien que j’allais être candidat. Tout ça est humain, trop humain sans
doute.
Dès lors que je me suis permis une fois sur ce blog de rectifier directement une information, de critiquer la présentation d’un fait ou d’émettre un avis différent
de celui de l’auteur d’un article, j’ai suscité une adversité durable, perceptible dans le traitement des informations qui me concernent. L’hypersensibilité de certains journalistes à la critique
rend l’exercice du blog incompatible avec une relation « classique» avec eux. Avant de franchir le Rubicon j’ai donc fait l’analyse suivante. Les vexations provoquées par ce blog sont
réelles et durables. J’en perçois très régulièrement les effets dans les colonnes de la presse locale. Dans le même temps je suis devenu très attaché à ce même blog, bien qu’il m’ait coûté pas
mal d’heures devant mon écran et de rapports difficiles avec les uns et les autres. Alors autant l’accepter clairement et prévenir que j’exercerais systématiquement comme je l’entends et
assidument mon droit de critique de tout ce que je lis. Pour que mes lecteurs comprennent bien les raisons de cette nouvelle donne, il était utile d’intensifier ponctuellement la critique pour
susciter des réactions éclairantes sur les fondements de mon choix. Je dois reconnaître que la pêche a été très bonne. Voyons ce que nous apprennent les réactions des uns et des
autres ?
L’argument récurrent pour déplorer que je rectifie directement une information sur ce blog (« sorte de facilité » est-il dit) c’est qu’il existe une règle
journalistique qui veut qu’en cas d’erreur constatée, il faille appeler le journaliste pour en débattre avec lui, pour que ce même journaliste puisse faire ensuite, si cela lui semble justifié,
un rectificatif. Pour ce qui me concerne, j’interprète plutôt cette règle journalistique comme un devoir journalistique à l’égard de l’information et en aucun cas une quelconque obligation
de la part de qui que ce soit de passer par cette voie pour rectifier une information. Et puisque l’on évoque une règle, je suppose qu’elle a aussi vocation à s’appliquer au journaliste à qui il
est conseillé d’appeler les acteurs visés avant de publier des informations qui les concernent qui se révèleront fausses. En revanche j’imagine fort bien qu’une solide confiance mutuelle, quand
elle existe, conduise naturellement à ce type de fonctionnement. Quand ce n’est pas le cas le blog me semble être la voie la plus directe, sans filtre, la plus performante pour s’exprimer
librement.
Pour le journaliste je suis « manifestement trop méfiant à l’égard de la presse » et je préfère « en tous cas de longues autojustifications sur
internet ». Il me semble là que l’on commence à percevoir que derrière celui qui fait profession d’informer il y a un juge en action avec son lot de croyances et d’idées reçues. En quoi ce
que j’écris est-il plus une autojustification que le commentaire qu’il m’adresse en retour? J’ai la faiblesse de penser que laisser le commentaire libre et sans censure à la suite de chacun
de mes articles relativise nettement ma volonté de réduire le champ du débat pour me la jouer Pravda.
Le journaliste écrit aussi pour justifier l’appréciation faite dans son article: « que les agents soient surbookés est une chose, mais cela ne change
absolument rien au problème : les dossiers en question sont à la traine. Et est-ce d’ailleurs seulement le fait desdits techniciens ? ». Il me semble que l’on comprend bien ici
l’absolue nécessité d’un blog pour apporter une autre vision que celle du journaliste. Son point de vue qu’il exprime librement ici ou dans les colonnes de son journal est une perception possible
des choses. Pour ce qui me concerne j’accepte sans réserve qu’il les décrive comme il les voit et comme il les ressent et je n’interviens pas auprès de lui ou de quelqu’un d’autre pour qu’il en
soit autrement. En revanche je n’ai pas envie de demander la permission à qui que ce soit non plus pour contredire un évaluateur dont je conteste la grille d’évaluation et son étalonnage. Je
revendique le droit de donner en retour ma propre version des faits et de contredire, même vivement ou avec ironie, l’information délivrée par la presse.
La réaction de son supérieur est bien plus inquiétante encore. Premier argument qu’il m’adresse : « les journalistes passent et votre comportement ne
change pas. Ça ne vous interpelle pas ? ». Il fait appel à la statistique, au nombre, pour démontrer que s’il y a problème il vient sans doute de moi. Une autre façon de me dire comme
il l’avait fait un peu plus tôt qu’il faudrait que je m’interroge sur mes relations avec le journal. Parce qu’il semble dogmatiquement évident que mon attitude n’est pas convenable et que les
critiques que j’émets ne peuvent qu’être infondées et insupportables.
La lecture qu’il fait de l’article que j’ai appelé « clichés politiques » interpelle plus encore. Ce serait la dénonciation d’une manipulation du débat.
J’ai beau relire et relire ce que j’ai écrit je ne trouve pas trace de la moindre contestation du débat entre les trois candidats à la mairie de Barbezieux organisé par le journal. J’explique mon
interprétation du choix d’une photo et des termes d’un portrait qui selon moi traduisent une opinion. Il se trouve pour parler comme le journaliste que je ne suis pas le seul à faire cette
analyse. Un peu d’humilité et d’humour face aux impressions des lecteurs marquerait une certaine ouverture d’esprit appréciable. Quel sens faut-il alors donner à cette propension à exagérer, à
caricaturer et à lire de travers. Sans doute comme me le faisait remarquer son jeune collègue c’est là la preuve d’un certain manque de confiance en soi. Parce qu’à la suite la charge contre moi
s’amplifie et dérive dans les grandes largeurs. Selon le journaliste ce sont des « saloperies » que j’écris sur son collègue. On voit ici quels peuvent être les effets du prisme
déformant de l’intime conviction chez un journaliste dans son interprétation des réalités. Avoir une opinion différente et l’exprimer devient aussi la marque d’un affreux mépris, que le
journaliste a décelé chez moi à l’égard de son journal. Suivent un certain nombre de termes à mon encontre sensés me conduire directement chez un « psy » : délires, paranoïa. En
désespoir de cause il m’est conseillé de rester dans mon autisme crasse et de continuer à ne parler qu’avec moi et de me boucher les oreilles. Dans les cours d’école on avait l’habitude de dire
dans pareille situation que « c’est celui qui le dit qui l’est ! ».
Le dernier commentaire moralisateur à souhait va encore plus loin et parle de « mensonges » et de « diffamations » dont je serais coutumier
sur ce blog. Ce que j’écris est « insupportable » et « indigne ». Mon interrogation sur le choix de la photo de la première page devient une accusation contre le journal de
photo « trafiquée ». Heureusement, comme me l’indiquait il y a un peu plus d’un an au téléphone le directeur de la rédaction, qu’à la différence du commun des mortels le journaliste,
lui, connaît le sens des mots.
Je n’en espérais pas tant finalement pour justifier le commentaire libre et l’expression directe que je choisis avec ce blog. D’autant plus que le nombre de lecteurs
a sensiblement augmenté pour atteindre 460 (nombre d’IP distinctes pour l’article intitulé « cdc3b. Repères pour 2008 (2)» en un mois).
Malgré les difficultés relationnelles avec les journalistes dont je commente parfois le travail, je vais continuer à lire avec assiduité les deux quotidiens
régionaux, Sud Ouest et la Charente Libre, que j’apprécie et qui sont pour moi chaque jour une source très précieuse d’informations locales et dont la lecture m’est indispensable.