Jeudi matin le bureau de l’ADCF (assemblée des communautés de France) recevra Alain Lambert pour un temps d’échange consacré à la place des communautés dans la
réforme de l’organisation territoriale du pays. Ancien ministre du budget et sénateur de l’Orne, il est l’auteur du rapport au premier ministre sur la clarification des relations entre l’Etat et
les collectivités locales dont les conclusions vont très certainement nourrir le travail de réforme du gouvernement tout au long de cette année 2008. A la suite de ce bureau qui promet d’être
particulièrement intéressant, le président aveyronnais de Rodez Marc Censi présentera ses vœux aux adhérents et aux partenaires. A la veille des élections municipales et compte tenu des
réflexions en cours son intervention aura forcément un sel supplémentaire cette année. Comme je serai présent à Paris la veille pour travailler à un autre grand chantier de réforme annoncé
brutalement à la fin de l’année 2007 et qui concerne l’organisation économique des fruits et légumes, je me suis organisé pour pouvoir assister à cette réunion le lendemain. Vous aurez ici la
primeur du compte rendu des débats.
Je ne sais plus très bien à quand remonte précisément mon intérêt pour la coopération intercommunale, cette innovation institutionnelle typiquement française, mais
ce dont je suis sûr c’est que depuis le 7 février 2003 l’expérience concrète de la présidence de la communauté de communes des 3B a renforcé cet intérêt et m’a beaucoup appris.
J’ai été élu président à la suite d’une crise qui a duré plus de cinq mois et qui a conduit à la démission du président, élu pourtant très majoritairement en avril
2001. Encore aujourd’hui les termes que l’on utilise pour qualifier cette période nuisent à une bonne compréhension du fonctionnement d’une communauté. Parler de putsch, ce que je lis ou entend
encore, relève aujourd’hui comme hier de cette même malhonnêteté intellectuelle par laquelle on aime expliquer le monde en partageant les individus en deux camps, d’un côté les bons et de l’autre
les méchants, en refusant obstinément d’accorder le moindre intérêt à la règle du jeu et aux réalités. Un putsch c’est quand une minorité prend le pouvoir par la force et par surprise, ce qui
n’était absolument pas le cas en l’espèce. Quelle était la situation réelle? En septembre les cinq vice-présidents de la communauté démissionnent de leur poste en indiquant qu’ils remettent
en cause la conduite de la collectivité par le président. Au fil des semaines une majorité des délégués se rangent à leur côté pour signifier qu’ils souhaitent quelqu’un d’autre pour présider la
communauté. A force de refuser leur confiance en ne votant pas la moindre des délibérations que pouvait proposer le président ils ont obtenu qu’il démissionne. Le président d’une communauté comme
un maire peut se maintenir jusqu’à la fin de son mandat même s’il n’a pas de majorité pour le soutenir. Un délégué communautaire comme un conseiller municipal est libre aussi de son vote. Lorsque
des délégués refusent leur confiance à un président ils exercent librement leur mandat. Le président ou le maire ont le droit de ne pas en tenir compte mais ils deviennent de fait les
responsables de la paralysie de leur collectivité en acceptant de prolonger la situation en ne démissionnant pas. Encore aujourd’hui je suis surpris quand je relis la revue de presse de cette
période difficile par la tonalité très anti majoritaire des commentateurs tout au long de cette crise. Un étrange sentiment que le président d’une communauté une fois élu acquière une sorte de
légitimité divine qui interdit à ceux qui l’ont élu de changer d’avis au cours de son mandat. Même s’ils en ont le droit formellement, moralement ils seraient condamnables. Compte tenu de ce
qu’étaient les interprétations médiatiques partisanes et du climat délétère qui régnait je suis surpris aujourd’hui encore que les délégués majoritaires contre le président soient restés aussi
déterminés jusqu’au bout.
Après ces cinq mois d’une tension très forte entre les délégués et au moment d’être élu président j’ai voulu montrer que j’avais compris le message qui avait été
adressé en annonçant très clairement ma conception du fonctionnement de la communauté et quel serait mon rôle à sa tête. Pas un instant de plus il ne fallait donner du grain à moudre à ceux qui
accréditaient la thèse d’une opposition des communes entre elles, des petites contre la grande. La personne du président était contestée et il lui avait été demandé de renoncer à présider la
communauté, c’était tout, si j’ose dire. Pour cela il fallait dés la composition de l’exécutif effacer le plus possible la ligne de partage liée au contentieux résolu. C’était un peu
laborieux mais l’un des vice- présidents du président démissionnaire restait en poste et le bureau comprenait dès mon élection des représentants des deux camps qui venaient de s’affronter.
Parallèlement j’ai tenu aussi à faire savoir à l’assemblée dès le premier jour que je ne me maintiendrai à mon poste que tant que j’aurai sa confiance et que si les délégués majoritairement me
demandaient de céder la place, après leur avoir quand même fait valider une deuxième fois pour être bien sûr que ce soit bien leur souhait, je démissionnerais séance tenante sans faire
d’histoires. Quoi de plus normal dans une assemblée de 57 délégués représentants 37 communes que d’avoir bien à l’esprit que le président a des comptes à rendre et que s’il ne satisfait pas ceux
qui l’ont élu en cours de mandat il accepte par avance d’être révoqué, ad nutum, comme on le dit pour des dirigeants d’entreprise. Parce qu’il y a cette particularité qu’il faut sans cesse
rappeler c’est que contrairement à un maire qui a un projet, qui choisit ses colistiers et qui détient sa légitimité du suffrage universel le président d’une communauté de communes est choisi
parmi une assemblée composée de délégués des communes qui se rencontrent pour certains pour la première fois le jour du conseil communautaire qui voit élire l’exécutif. Le projet communautaire
vient après. Pour bien insister sur l’importance de reconnaître en permanence que dans une communauté le pouvoir appartient bien aux communes et que le conseil communautaire est souverain j’ai
très souvent dit que je n’étais que l’animateur du travail communautaire. Je ne suis pas tout à fait naïf et je sais bien quels sont les pouvoirs d’un président et l’orientation qu’il donne par
son leadership, tout comme les vice-présidents d’ailleurs, mais l’appropriation du projet communautaire par les communes est à ce prix de la sollicitation permanente de l’avis des
délégués. On verra au prochain épisode que ce n’est pas simple à réussir. A suivre….