Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat chargé des transports, sera à Chabanais lundi prochain pour débattre avec les élus des territoires concernés et les
associations d’usagers et de riverains, de l’amélioration des conditions de circulation sur les routes nationales 10 et 141. Je suis invité à participer à cette rencontre et bien évidemment
j’y serai. Mais pour dire quoi de plus que tout ce que nous avons déjà pu dire, et d’autres avant nous, sur la catastrophe qui perdure ?
Lundi dernier juste avant le conseil communautaire Alain Bizes, le maire d’Oriolles, me faisait remarquer que finalement nous ne faisions pas grand-chose d’efficace
ici pour faire avancer les choses, comparativement à Chabannais où plusieurs manifestations ont déjà eu lieu avec semble t-il quelque succès. D’autres depuis longtemps pensent que, pour être
réellement entendu et obtenir rapidement la mise à deux fois deux voies du tronçon restant, il n’y a pas d’autre solution que celle qui consiste à organiser une manifestation monstre et à bloquer
la nationale 10 quelque part entre Reignac et Chevanceaux. Mon parti pris permanent pour le débat et le respect du droit m’a conduit, sans beaucoup de succès à ce jour il faut le reconnaître, à
rechercher et à soutenir d’autres voies pour faire émerger des solutions. Alors avec cette stratégie du « cause toujours » quel message peut-on encore adresser lundi au secrétaire
d’Etat pour être efficace?
Je sais déjà qu’il ne servira à rien de rappeler pour la énième fois que c’est un scandale que de laisser à deux voies une route nationale qui reçoit un trafic
international de 10000 poids lourds par jour sur un total de 20000 véhicules, et qu’il est monstrueux de demander à la population locale de risquer chaque jour la mort, comme à la roulette russe,
pour traverser cette route. On m’écoutera en acquiesçant poliment pour me rappeler juste après que c’est bien entendu un chantier prioritaire et que nous allons nous en rendre compte quand nous
aurons connaissance un jour (toujours prochain à ce jour) du futur PDMI (plan de développement et de modernisation des itinéraires). Mais il sera immédiatement rappelé qu’il y a bien plus
prioritaire en Charente puisque nous avons quand même la chance de n’avoir aucun bourg traversé par cette deux voies monstrueuse, contrairement à d’autres sites sur la RN 141. Et compte tenu des
moyens financiers nécessaires nous devons être raisonnable, l’Etat avec nos sous ne peut pas tout faire, et il nous faudra encore prendre notre mal en patience. D’autant plus dira notre
interlocuteur, en se retournant vers ses services, que finalement sur deux voies ça ne passe pas si mal que ça dès lors que le convoi de véhicules se cale sur une vitesse moyenne basse. Et puis
les riverains peuvent, si leurs véhicules toussotent et s’ils sont peureux, traverser en toute sécurité à Reignac ou à Chevanceaux. Paradoxalement cette situation que nous ressentons
dramatique ici ne mobilise pas vraiment dans le reste du département, pas plus les habitants que les élus ou l’administration des routes. C’est bien ce qui explique d’ailleurs notre
abracadabrantesque retard routier dans ce département.
C’est aussi pourquoi le dossier noir que nous avons publié l’an passé, comme la lettre de la RN10 que nous avons adressée avec l’info 3B à toute la population de la
communauté de communes et à de nombreux élus de la Charente il y a quelques jours, mettent en perspective l’état du réseau routier national dans notre département au regard des enjeux logistiques
de la Charente, de la France et de l’Europe. Nous avons démontré le déterminisme incontournable de la géographie qui conduit année après année au développement du trafic poids lourds dans notre
département. Le fret de la péninsule ibérique destiné au nord ou à l’est de l’Europe passe à Barbezieux et à Angoulême pour se diviser ensuite en direction de Poitiers ou de La Croisière et la
route Centre Europe Atlantique. Les deux autoroutes que sont l’A10 et l’A89 ne captent pas ce trafic parce qu’elles ne sont pas sur les couloirs géographiques naturels empruntés naturellement par
les poids lourds dont les chauffeurs sont quand même d’une intelligence pragmatique qui force l’admiration.
La transformation en autoroute sur place de la RN 10 et d’une partie de la RN 141, avec des aires de service et de parking adaptées à l’énorme trafic poids lourds
qui les empruntent, et la création d’un barreau autoroutier quelque part entre Roumazières et la Croisière sont d’évidence la solution. Le financement de ce projet qui sert des objectifs au
moins européens doit être assuré par le fret qui l’emprunte. Toute approche des travaux à réaliser en Charente pour améliorer le réseau routier qui n’expose pas au préalable cette analyse
stratégique de la situation ne peut conduire qu’à de mauvaises solutions.
A l’heure ou le rond point d’Etagnac est considéré par l’Etat et les responsables politiques locaux comme une avancée importante en Charente pour l’amélioration des
conditions de circulation et de transit du fret européen il est urgent que ce sinistre moral et intellectuel soit reconnu Etat de catastrophe politique majeure.
Voilà ce que je veux dire au secrétaire d’Etat. Avant d’évoquer des travaux, des échéances et des financements, comme cela se fait dans notre département depuis
maintenant plus de 35 ans, nous devons au préalable valider une analyse stratégique des enjeux nationaux et européens en Charente au regard de la circulation des marchandises pour ensuite
annoncer un projet routier conforme aux enjeux. Pour être tout à fait pertinent et crédible il est naturellement indispensable de procéder aussi à une analyse comparative des trafics en d’autres
lieux du pays associée à l’examen des infrastructures qui ont été réalisées pour les servir. Ce benchmarking qui aurait du être fait depuis longtemps déjà permettra de décomplexer les charentais
qui se ruinent pour assurer le développement économique du sud et de l’est de l’Europe et leur éviter ainsi d’être le dernier département de France à ne pas avoir un kilomètre d’autoroute tout en
ayant le trafic de fret poids lourd de longue distance le plus important de France. On ne sait jamais, ces arguments finiront peut-être par trouver un écho chez un élu tenté de servir l’intérêt
général.