En page 8 de Sud Ouest dimanche un article relate les violents affrontements qui ont eu lieu à Rostock en Allemagne vers la fin d’un grand défilé protestataire qui
réunissait près de 80.000 personnes contre le sommet du G8 qui doit se tenir la semaine prochaine tout près de là, derrière une clôture et sous haute protection à Heiligendamm. La photo qui
illustre l’article est saisissante. On y voit un activiste encagoulé sur fond de flammes. Il est l’un des 2000 individus du Schwarzer Block (Bloc noir) qui ont fait basculer la manifestation
jusque là paisible en affrontement ultraviolent avec les policiers dont près de 146 ont été blessés. L’alibi politique continue d’être revendiqué par de nombreux apprentis mercenaires qui rêvent
de bagarres, de violence et de régression primitive. Des brutes épaisses déguisées en révolutionnaires pourfendeurs de l’oppression de l’ordre établi qui se construisent par la violence en
narguant l’autorité et le pouvoir. Je repense en regardant cette image à une situation une peu équivalente à laquelle j’ai participé en 1977 qui m’incite à penser que ce sont toujours les mêmes
« viltelloni » barbares qui ont fait le déplacement. C’était en juillet et comme souvent le samedi je partais rejoindre à Juignac mes copains bios, altermondialistes, râleurs et bons
vivants. Ce jour là ils étaient préoccupés. Le lendemain une grande manifestation devait avoir lieu à Creys-Malville contre le projet de centrale nucléaire Superphénix et il fallait y aller. Ma
voiture, une Simca 1100 donnée par mon grand père à ma sœur et dont j’ai hérité à mon tour quand j’ai obtenu le permis était quand même en meilleur état que les leurs dont le prix moyen d’achat à
l’époque ne dépassait jamais 1000 francs. Nous sommes donc partis avec, en fin d’après midi ce samedi, pour arriver le lendemain matin en Isère sans avoir beaucoup dormi. Arrivé sur place je
découvrais une ambiance très particulière. Tous les villages alentours du lieu de rendez vous pour la manifestation grouillaient de types étranges en provenance de toute la France et d’ailleurs
en Europe. Leur tenue me laissait à penser qu’ils n’en étaient pas à leur première manifestation de ce genre. Le plus aguerri de mes collègues qui avait fait 68 se montrait très volubile pendant
la marche assez longue qui nous conduisait vers la centrale au milieu des 60.000 anti-nucléaires en rangs serrés. Ma tenue n’était manifestement pas prévue pour ce type de sortie alors que je
regardais la sienne avec envie tant il me paraissait élégant avec son béret, son foulard pour le préserver des gaz lacrymogènes, sa musette et son bâton. Je l’entends encore me dire très fort
pour que chacun entende bien : « alors ça va être ton baptême du feu ». Euh, oui, enfin je ne savais pas très bien ce que je foutais là. Au fur et à mesure où l’on approchait
du but certains des participants se montraient plus téméraires que d’autres et manifestement ils se préparaient à aller au contact des forces de l’ordre. La tension montait. Mes collègues eux
aussi commençaient à montrer les dents et à tenir des propos peu amènes sur les CRS, le gouvernement, l’Etat le monde etc… c’est là, et j’en ris encore, qu’en quelques secondes tout a basculé.
Les premières grenades offensives ont commencé à exploser ici ou là provoquant un début de panique parmi les marcheurs. Une partie, minoritaire quand même criait banzaï et fonçait vers le front
et l’autre majoritaire rebroussait chemin dans le désordre se servant des bâtons comme machette du pauvre pour se frayer un passage dans les haies puis dans les champs de maïs. Mon même copain
s’écriait qu’il était non violent et qu’il fallait se barrer et vite alors que ma curiosité m’incitait plutôt à m’attarder pour voir le spectacle. Il avait plu et bien trempés nous sommes
remontés en voiture et nous avons pris silencieux le chemin du retour. C’est en écoutant France inter sur la route que nous avons appris qu’il y avait eu un mort et deux manifestants blessés en
voulant relancer une grenade offensive. Mon même copain dont je tairais le nom reprenait alors la parole pour dire qu’on était finalement cons de ne pas être restés pour nous battre parce que
compte tenu du nombre qu’on était on aurait pu les avoir. Comme toujours les situations de crise révèlent crument les individus. Je revois encore la couverture du nouvel observateur quelques
jours plus tard qui montrait le mur impressionnant de CRS que nous n’avions même pas pu voir sur place. Je revois aussi le dessin de Wolinski, dans Charlie Hebdo il me semble, qui représentait un
type qui en rencontre un autre la main bandée et qui lui dit qu’elle a été prise dans la machine à l’usine ? L’autre lui répondait : « t’as qu’à dire que t’étais à
Creys-Malville, t’auras l’air moins con ». Subtile analyse du maître dessinateur.
En fait le G8 et Davos ont aussi cette fonction d’offrir un terrain de jeu à tous ces violents, membres des bandes à badernes.
Mais je me demande ce qui m’a le plus révolté à la lecture de Sud Ouest, cet article sur la violence des manifestants ou celui du spectateur dégagé Jean Claude
Guillebaud intitulé « et si les faucheurs avaient raison ». Il met des pleins et des déliés partout dans ses chroniques, il écrit en faisant joli et poli, il semble avec beaucoup
d’autorité intellectuelle et de morale interroger et commenter les évènements du monde. Aujourd’hui il tire argument de la production irrégulière de la toxine BT dans le maïs transgénique MON810,
ce qu’il dit être potentiellement dangereux (voir l’article de Gilles Rivière Wekstein sur son site Agriculture Environnement) pour presque justifier, mais pas tout à fait, les faucheurs de maïs
génétiquement modifié. La monstruosité de nos sociétés démocratiques, capitalistes, libérales, bassement consuméristes sont heureusement contrebalancées selon lui par ces chevaliers de vertu
annonceurs d’un autre monde que sont les faucheurs.
Je viens de terminer la lecture du livre de Claude Allègre qui s’intitule « ma vérité sur la planète ». Voilà le livre qu’il faut lire absolument pour
mieux comprendre l’intoxication dont nous sommes plus surement victime que des catastrophes que nous promettent entre autres, Guillebeaud, les faucheurs et les médias sensibles aux croyances des
lecteurs. Un autre monde est possible. Sans doute, mais il est pire que tout. Allègre et l’écologie réparatrice oui. Porto Allègre non! Bon, voilà qui devrait faire polémique et susciter quelques
commentaires.