11 Octobre 2015
La file de droite c’est pour la Sainte Chapelle, celle de gauche c’est pour le Palais de justice. Et il vaut mieux compter une bonne heure avant l’audience pour ne pas être en retard à cause du contrôle sécurité.
L’avocat de Greenpeace semblait s’impatienter en haut des marches du Palais mardi matin en attendant sa cliente lorsque, parfaitement à l’heure, nous l’avons salué. Lui-même était un peu limite pour glisser dans les mains de notre conseil de nouvelles réponses conclusives aux nôtres sur sa question prioritaire de constitutionalité. Conscient de cela, ostentatoirement fair play, il annonce simultanément qu’il ne s’opposera pas au renvoi si nous le demandons.
Direction fizza le bureau de la Présidente de la 17ème chambre du tribunal de Paris pour le référé d’heure en heure que l’Association Nationale Pommes Poires a obtenu en début d’été afin de faire retirer le titre insupportable du rapport de Greenpeace : « pommes empoisonnées ». Pas question d’un nouveau renvoi qui sent la manœuvre, on plaide.
Vrai prise de tête pour le béotien que je suis à l’écoute des débats quant à la pertinence de la question prioritaire de constitutionalité relative à l’article 1382 du Code Civil. Le procureur sollicité n’a pas l’air convaincu. La Présidente dira sa décision le 2 novembre.
Ensuite on est passé « au fond », entre guillemets, comme l’a dit la Présidente. C’est vrai que de l’autre côté de la barre on est tombé assez bas à mon sens.
Alors, elles sont empoisonnées ou pas les pommes ? Nous : Bin non, madame la Présidente, puisque dans le rapport on parle de la terre des vergers et de l’eau et jamais des pommes. Eux : Bin si, puisque même si on en parle pas du tout dans le rapport, en fait, on ne parle que d’elles. Mais attention, on n’en veut pas aux pommes. On n’a rien contre, bien au contraire. C’est à la sorcière qu’on en veut. Oui, vous savez, dans Blanche Neige, c’est elle la méchante, pas la pomme.
Si le 2 novembre la question prioritaire de constitutionalité n’est pas transférée, alors le jugement sur le titre du rapport sera rendu le 10 qui suit. Sinon, on aura largement le temps de commercialiser l’excellente récolte 2015 de pommes et de poires avant de connaître la décision.
En juin, les journaux, radios et télévisions ont pendant quarante huit heures asséné au public que selon un rapport de Greenpeace les pommes sont empoisonnées, bourrées de pesticides. Les entendra t’on dans quelques jours annoncer avec la même intensité que Greenpeace a menti, que les pommes sont parfaitement saines comme le démontrent tous les rapports officiels des autorités sanitaires de France? Nous verrons.
Jusque là, lecteurs assidus de ce blog vous n’apprenez rien de très nouveau. Les trois articles précédents consacrés à la défense de la pomme contre l’attaque mercantile de Greenpeace vous ont déjà amplement informé. L’avocat de Greenpeace s’en est d’ailleurs presque plaint auprès de la Présidente. Agacé qu’il était que j’aie pu révéler ce qu’il a qualifié à l’audience être une maladresse de sa part. Vous savez, ce passage de ses conclusions où il est dit que « l’ANPP ne peut pas sérieusement prétendre que ce rapport (pommes empoisonnées) se voudrait objectif, informatif voire scientifique ». Snif.
En revanche, ce que vous ne savez pas encore, c’est que Greenpeace qui a lutté comme un beau diable par la voix de son avocat pour sa liberté d’expression, garantie par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, préambule de notre Constitution de 1958, n’hésite pas à censurer vigoureusement la mienne. Si, si. Je vous raconte…
Peu de temps après la parution du fameux rapport sur les sols et les eaux dans les vergers de pommiers d’Europe, les producteurs de pomme italiens apprennent qu’un symposium doit se tenir au parlement européen à Bruxelles le 19 novembre de cette année sous l’égide du député hongrois Pavel Poc. Cette grande réunion a pour intitulé : « Feeding Europe by reducing pesticides dependency ». Greenpeace en est l’un des coorganisateurs et la pomme la culture cobaye.
Les représentants des producteurs de la plupart des pays européens réunis début aout à Merano décident de soutenir la proposition italienne de demander aux organisateurs de permettre aux arboriculteurs de s’exprimer à ce symposium.
Aux côtés de Greenpeace, on trouve parmi les coorganisateurs, Pesticide Action Network (PAN Europe), Eurocoop (Euopean Community of consumers and coopérative). Mais aussi IOBC (International organisation for biological control) et IBMA (International Biocontrol Manufacturers Association). Donc, des ONG connues pour leur militantisme et leur lobbying aux côtés de chercheurs pour IOBC et de firmes qui investissent et innovent dans le biocontrôle pour IBMA. Deux organisations dont nous avons éminemment besoin pour progresser dans notre façon de produire et dont nous sommes très proches.
Au programme, des interventions d’un commissaire, du ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll, d’autres ministres européens, des chercheurs et puis les ONG. Eurocoop, PAN Europe et bien sûr Greenpeace. Et donc, grâce à notre demande, quand même un représentant des producteurs de pommes.
Et c’est mon nom qui a été proposé pour participer à ce symposium. Je passe sur les échanges qui ont précédé à la détermination de la place qui pouvait être celle des producteurs dans le déroulé du colloque. Au final, c’est à la suite de Mario Contiero (Agriculture and Genetic Engineering) de Greenpeace que je devais intervenir. Après qu’il ait sans doute présenté les arguments du fameux rapport dont l’ANPP a fait l’analyse critique.
Et puis le 30 septembre patatras, Greenpeace France prend connaissance du programme et des intervenants et voit mon nom. Mail affolé de Mario Contiero aux coorganisateurs pour demander un changement de programme et m’exclure.
Le secrétariat de WAPA (World Apple and Pear Association) que je préside pour deux ans est informé du veto à ma présence de Greenpeace. Il s’ensuit une longue argumentation pour dire que je suis l’arboriculteur idoine pour cette journée et que j’ai le soutien non seulement des producteurs de France mais aussi du reste de l’Europe. J’en rougissais presque…Mais rien n’y a fait, les autres coorganisateurs se sont rangés à la demande de Greenpeace et à ce jour mon nom est retiré du programme en attente d’un remplaçant.
Pout emporter la décision des autres organisations, Marco Contiero a fait état de l’action en justice de l’ANPP contre Greenpeace, d’un mail rude de ma part et des 3 articles de ce blog que vous connaissez bien.
Voilà une organisation qui le 13 mai envoie un commando de 15 mercenaires verts s’enchainer aux portes du siège d’InVivo et placarder la façade de banderoles traitant Philippe Mangin et Thierry Blandinières d’empoisonneurs pour attirer les médias et obtenir un bon coup de pub. Avec Anaïs Fourest pour les accueillir et délivrer son message qui ne mange pas de pain bio.
Le 1er juillet c’est à nouveau un commando de 20 mercenaires verts qui bloquent l’entrée principale de Bercy pour attirer cette fois encore les médias qui s’empressent de venir. La police arrive, dégage les lieux. Une équipe de nettoyage finit le travail et la vie reprend. Je suis passé sur les lieux un peu avant la fin de l’opération qui en tout a duré 3 heures. De la communication efficace et rapide. Le directeur adjoint d’InVivo me racontait il y a peu l’impatience des enchainés qui trouvaient que la police tardait un peu à venir et qu’ils commençaient à trouver le temps long.
Et bien c’est cette même organisation, habituée du coup d’éclat, de l’occupation des lieux privés ou publics, des enchainements, des placardages de slogans agressifs, qui s’offusque si on ose dire qu’elle n’est pas gentille. Qui demande à éloigner du débat celui qui à l’impudence de la remettre un peu à sa place.
Bon après tout, c’est son droit. Ce n’est pas très glorieux, mais qui peut encore être dupe des valeurs réelles de cette organisation?
Non, le souci dans cette affaire c’est la caution incidente à ce veto d’organisations comme l’OILB, IBMA et surtout du Parlement européen. Que peut bien penser le déontologue du levier de communication donné à Greenpeace, sans contre pouvoir, pour la prospérité de son business.
Laisser interdire de parole le président de l’Association Nationale Pommes Poires qui regroupe 1500 producteurs en France et qui est en même temps président de WAPA, association qui réunit 18 pays producteurs dans le monde, est tout sauf anodin.
Je me suis permis d'en référer à une député européenne française très motivée sur ces questions. Je la verrai mardi soir à Bruxelles pour en parler de vive voix.
Je me demande aussi si je ne vais pas aller m’enchainer aux portes du Parlement Européen avec quelques autres producteurs de l’Union le 19 novembre pour manifester contre le pouvoir exorbitant de Greenpeace à Bruxelles.
Qu’en pensez-vous lecteurs avisés?
A suivre.....
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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