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….Ou quand toutes les pommes voient rouge. (2)

En grand professionnel, Pierre a minutieusement expliqué les exigences impitoyables du marché à l’équipe de télévision de France 2 qui lui faisait l’honneur d’un reportage sur sa pomme. Une légère mâchure, un épiderme un peu trop boisé à la cuvette de l’œil et c’est le déclassement en catégorie 1 bis, 2, voire carrément la compote ou le jus. Pas une pomme ne se perd bien sûr, mais la valeur de chacune chute lorsque la beauté et la taille se réduisent. Aux enchères quotidiennes qui découlent de la confrontation de l’offre et de la demande entre les différents acteurs du marché, jusqu’au consommateur, les variétés et les qualités les plus prisées obtiennent les meilleurs prix et celles dont personne ne veut ne valent rien. C’est la difficile et belle loi du marché qu’il vaut mieux comprendre et aimer, même quand on plante un pommier.

A l’insu de son plein gré, Pierre offrait pourtant une nouvelle fois à sa supposée promotrice des ventes d’un jour, qui n’en connaissait pas un rayon, l’argument de l’acte 2 de la charge contre les pommes décidée par Envoyé Spécial.

Après le « conservateur chimique surpuissant » pour garder les pommes 12 mois, nous avons eu droit à « l’arrosage automatique aux pesticides » pour qu’elles soient toutes belles et calibrées. 

Les pommes doivent leur beauté à la génétique de l’arbre qui les porte. La longue histoire de la production des pommes, c’est d’abord celle de la création et de la sélection des variétés. De semis de hasard en pollinisations croisées ou en sélection de rameaux portant de très beaux fruits, les hybrideurs, les pomiculteurs et les pépiniéristes ont sans cesse cherché la nouvelle variété qui séduirait plus encore les croqueurs de pommes. C’est ainsi par exemple que la variété Chanteclerc Belchard a supplanté l’historique Reinette Clochard de Parthenay et la Golden, la Sainte Germaine De Lestre dans le limousin. La liste est longue des variétés issues de cette exaltante création destructrice schumpétérienne.

La grosseur des pommes est, elle aussi, liée au potentiel génétique de la variété mais aussi au nombre de fruits que l’arboriculteur laisse sur les arbres après la nouaison, ainsi qu’aux bons soins qu’il apporte au sol nourricier.

En revanche, le rôle des traitements phytosanitaires n’est pas de donner une beauté artificielle aux pommes, mais bien de les protéger des maladies et des ravageurs. Et cette protection n’a évidemment rien d’automatique comme nous allons le voir.

Après Manosque en Provence, c’est donc dans le Limousin que le dossier à charge contre la pomme s’est poursuivi. Un limousin dont la France entière a pu apprendre avec effroi jeudi dernier par sa couteuse chaine publique France 2, qui jette décidemment avec désinvolture notre argent par le petit écran, qu’il comprenait selon certains de ses habitants un « triangle de la mort » délimité par les pourtant délicieux villages de Pompadour, Lubersac et Allassac. Un bout de territoire où se concentre la pomme golden produite ici à « l’échelle industrielle ». Si, si c'est ce qu'ils ont dit.

Je pense qu’à cet instant du reportage les arboriculteurs du Limousin et nombre d’habitants de cette belle région ont du avoir une envie folle de pulvériser autre chose que des produits phytosanitaires sur leur verger. Mais bien plus les snipers cathodiques de la 2 qui leur tiraient méchamment dessus en toute impunité.

Je suis d’autant plus meurtri pour eux mes chers lecteurs que je connais très bien les pomiculteurs de Corrèze, de Haute Vienne et de Dordogne. J’étais encore parmi eux les 18 et 19 février pour l’assemblée générale de leurs coopératives. Je suis admiratif et j’ai le plus grand respect pour ces hommes et ces femmes qui humblement et avec beaucoup de courage produisent sur des petites à moyennes exploitations, souvent en polyculture, parmi les plus belles goldens d’altitude d’Europe. Aux côtés de celles de Savoie, des Alpes et du Mont Pilat en France, du Trentin Haut Adige en Italie et des environs de Graz en Autriche. Je suis très fier d’avoir été intronisé le mois dernier par la confrérie de cette pomme du Limousin. La seule en France qui soit reconnue en Appellation d'Origine Protégée.

Laurent, Nicolas et tous les autres techniciens qui entourent les arboriculteurs du limousin sont des références en matière d’implication pour l’agro écologie, pour reprendre une expression chère au ministre. La maîtrise des prophylaxies telles que le balayage des feuilles après la récolte pour diminuer l’inoculum de la tavelure y est bien plus forte qu’ailleurs. Les techniques et les produits de bio contrôle sont parfaitement intégrés dans le dispositif de protection. Et bien évidement, comme partout ailleurs dans le monde, à conditions agro climatiques équivalentes, le recours aux produits phytosanitaires y est nécessaire pour obtenir des fruits sains à la récolte, sans tavelure, sans oïdium, sans maladie de la suie, sans pourritures diverses, sans vers et sans tordeuses des pommes ou autres joyeusetés que recèle dame nature. Et ceci, que les vergers soient en production biologique ou écoresponsable. Chaque intervention est directement liée au stade de développement du parasite visé au regard de sa biologie propre. Seul le raisonnement est nécessairement automatique. Et bien entendu les produits utilisés, qu’ils soient naturels comme le soufre, le cuivre, la bouillie sulfocalcique ou de synthèse, sont tous homologués avec des conditions d’utilisation strictes.

Au regard des difficultés économiques, de la difficulté à installer des jeunes arboriculteurs malgré le soutien des élus et des collectivités locales, le verger est malheureusement en diminution dans le limousin, contrairement à ce qui est annoncé faussement dans le reportage. Les attaques médiatiques répétées, subies injustement n’y sont pas pour rien. Celles des écologistes locaux non plus.

Qu'y a-t-il donc de si grave dans le Limousin qui justifie que l’on puisse y parler de « triangle de la mort », « d’arboriculture industrielle », « de graves problèmes de voisinage » et de pommes golden entachées de « résidus de produits chimiques dangereux » ?

Cette région avec à peine 100.000 tonnes n’est pourtant qu’une miniature comparativement à cette autre grande région de production de la golden d’altitude qu’est le Trentin Haut Adige en Italie. Là bas dans un espace très réduit partagé avec des vignobles et de nombreux bourgs touristiques, dans des vallées encaissées bordées de hautes montagne, le verger de pommier, essentiellement de variété golden, produit plus de 1.400.000 tonnes. La terre y est tellement rare et chère que les arbres sont plantés jusqu’au goudron en bord de route et au ras des maisons. Le climat y est aussi pluvieux que dans le limousin, la protection phytosanitaire par pulvérisation y est donc très équivalente.

La population y est très fière de ses vergers et de ses golden et il ne viendrait à l’idée de personne d’évoquer une vallée de la mort pour qualifier ce grand jardin tiré au cordeau qui abrite une production intensive de pommes de grande qualité célèbre dans le monde entier.

Voyons donc alors ce qui a pu autoriser Valérie Rouvière à instruire le procès de l’arboriculture en limousin. Sur quels témoignages elle s’appuie et quels sont leur crédibilité.

Bien qu’elle se donne des airs et des allures d’une Julia Roberts de série B, Valérie Rouvière n’est décidemment pas Erin Brockovich. Parce que cette dernière bossait dur ses dossiers si je me souviens bien du film. Et qu’elle savait tout des victimes qu’elle avait à défendre. Manifestement cette accusatrice là s’est simplement contentée de consulter la compil des œuvres de Cécile Descubes, sa consoeur de Fr3 Limousin, et a contacté les témoins à charge qui y tiennent la vedette. Le résultat est édifiant.

Quatre questions ont été abordées qu’il mérite d’éclairer d’un jour différent de celui des spotlights tournés plutôt vers l’enquêtrice d’opérette. Il s’agit du nombre des traitements en verger de pommier, de la dérive des embruns de la pulvérisation sur l’habitat des riverains, de la sécurité des salariés dans le verger et des effets néfastes sur la santé de la population liés à la présence en Limousin de vergers de pommiers recevant des pesticides.

Fabrice, Christian, Julien, Anne Marie, Sorina nous ont-ils dit toute leur vérité? Valérie s’est-elle laissée un peu aller au montage ? C’est ce que nous allons découvrir au prochain épisode mes très chers lecteurs. Vous qui êtes maintenant si impatients de savoir si vous devez continuer de payer votre redevance pour France 2 ou en demander d'urgence la privatisation….

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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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A
Nos ruisseaux étaient pleins de poissons, nos haies pleines d'oiseaux, nos maisons pleines de vie, nos eaux et notre air sans pesticides...avant que cette manière de cultiver les pommes ne soit ! Il n'y a aucun doute, cette arboriculture est délétère, non durable, sauf économiquement pour ceux qui tirent les ficelles des grosses coopératives... C'est vrai qu'elle a permis à de nombreux agriculteurs de se sortir des difficultés de l'élevage, mais nier les problèmes ne fait pas avancer. Vous voulez installer des jeunes en arboriculture ? Il y a de la place pour eux en BIO... et là nous serons encore plus fières de leur production ! Une preuve : http://adour-garonne.eaufrance.fr/massedeau/SDAGE2010/FRFR493
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C
pourquoi avoir des stocks cachés de pesticides en cas de contrôle? pour certains j'entends bien
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L
je veux bien tout lire ou tout entendre mais dites moi pourquoi lorsque vous pulverisez vos pommes l ouvrier que vous payés (en general un polonais dans la plus part des cas, ) revets une combinaisons digne d un cosmonaute avec masque a gaz..
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F
merci, mille fois merci pour votre lettre.
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E
bonjour Daniel , je te fais pas de mon soutien dans cette approche et défense de la profession<br /> ERIC GUASCH<br /> Président de l'AFRAA
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