4 Juin 2014
Nous vivons des temps bien étranges. La France est dans les choux, essoufflée. Elle s’enfonce dans le chômage, les dettes et les impôts. Alors, les réformes trop longtemps repoussées s’imposent maintenant dans l’urgence.
La simplification de l’organisation territoriale associée à une nouvelle répartition des rôles entre l’Etat et les collectivités locales est de celles là.
J’ai lu attentivement hier matin la tribune du Président Hollande publiée dans les quotidiens régionaux sur les motivations et les objectifs de l’évolution nécessaire. C’est une synthèse des tendances lourdes qui se dessinent depuis près de 30 ans maintenant. Difficile de ne pas y adhérer. Des questions essentielles restent quand même en suspens. C’est le cas pour l’avenir des communes. Le souhait d’une légitimité démocratique directe pour les élus des communautés est lourde de conséquences. De coopération intercommunale aujourd’hui encore, cela conduit vers la supracommunalité de type Paris Lyon ou Marseille. Pourquoi pas. C’est le cas aussi pour ce qu’il peut rester à gérer à l’échelon départemental, confié sans doute à une assemblée composée de présidents de communautés.
Beaucoup de choix sont encore à faire sur la nouvelle organisation optimisée du pays. Ce débat dépasse les clivages entre la gauche et la droite. En tout cas, c’est à mon sens l’un des chantiers les plus essentiels pour l’avenir du pays.
Mais le drame mes chers lecteurs, c’est que ce débat de fond qui devrait être abordé dignement en ayant pour seul repère l’intérêt supérieur du pays risque d’être tué dans l’œuf par la méthode la plus folle qui se puisse imaginer.
On sait la réticence des élus à travailler sur les questions organisationnelles. Ce sont des chantiers lourds qui se heurtent à toutes les résistances corporatistes et statutaires imaginables. Où il n’y a que des coups à prendre et aucune lumière médiatique à capter. Le travail ingrat par excellence que déteste tout élu qui ne veut pas se colleter avec l’intendance et rester dans l’obscurité.
Pour se donner une chance d’avancer et de réussir, il ne fallait évidemment pas toucher aux frontières régionales. Surtout ne pas réveiller les particularismes locaux, le porte drapeau et le va t’en guerre qui sommeille presque en chacun de nous.
Trop tard. Le coup est parti. Et de quelle manière. Une nouvelle carte des régions de France dont on a du mal à comprendre les critères objectifs et équitables qui la justifient.
Et pour ce qui nous concerne en Poitou Charentes, c’est le pompon. Fusion avec deux autres régions quand le Pas de Calais reste seul. D’Aubeterre à Dreux. Reignac et Reignac sur Indre dans la même région. La plus grande région de France métropole, juste un peu plus petite que la Guyane. Le fait du prince pour Royal. L’abdication du prince pour Aubry. Et tout est à l’avenant. Une carte finalisée à l’arrache lundi soir comme le racontent tous le quotidiens régionaux qui ont vécu en direct les derniers atermoiements du château.
En matière de réforme territoriale, la rupture avec Nicolas Sarkozy, ce devait être l’écoute et la participation de tous les élus. L’assemblée s’est pour cela précipitée pour annuler immédiatement le conseiller territorial et restituer la compétence générale pour toutes les collectivités. Ensuite une grande enquête a été lancée par le bon Bel pour demander à chaque élu ce qui lui ferait plaisir. Enquête sur une liste à la Prévert de menus détails que j’ai jetée au panier tant elle était ridicule et conservatrice. L’année suivante, c’est un redécoupage socialiste des cantons qui a été opéré. Pour y élire au scrutin bi-nominal paritaire majoritaire à deux tours un couple hétérosexuel de conseillers départementaux. Eh oui.
Et puis brutalement, François Hollande opère un tête à queue brutal sur ces questions, à l’opposé de ce que le candidat puis le Président avaient laissé entendre. Et pour bien rater la réforme et mettre la pagaille dans le pays, il fusionne les régions à tort et à travers.
Ce qui ne devait absolument pas arriver arrive. Une bonne vieille guerre de tranchées pour refuser le découpage proposé. Pour nous charentais, il s’agit maintenant de se battre pour rejoindre l’Aquitaine. Toute autre question devient forcément secondaire. Beaucoup d’énergie et de débats homériques de haute volée sont en perspective.
Comme chacun peut s’en apercevoir chaque jour, l’énervement est au moins aussi fort à gauche qu’à droite. Alors la question se pose. S’agit-il pour François Hollande de mettre suffisamment la pagaille dans son camp et dans le pays pour justifier une dissolution et piéger la droite ? Pour se donner des chances d’être réélu ensuite ? En tout cas le scénario est parfaitement écrit pour atteindre au moins cet objectif.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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