12 Octobre 2009
Vendredi soir au cinéma Le Club de Barbezieux, Cinémania et la section locale d’Attac proposaient la projection du film documentaire de Jean Paul Jaud, « Nos enfants nous accuseront », et un débat en suivant sur les questions posées par le film. Quelques semaines plus tôt, après la diffusion de « A bord du Dajeerling limited », Patrick m’avait très gentiment dit que ce serait bien que je fasse l’effort de venir à cette prochaine séance pour éviter que la soirée ne se déroule qu’avec des bien-pensants dans la salle. Pour que la soirée soit réussie il lui semblait important, comme dans un film, que quelqu’un joue le rôle du méchant. J’avais depuis oublié la date et promis à ma fille de l’emmener voir « Le petit Nicolas ». C’est comme ça que je n’ai pas pu me défiler en entrant au cinéma et que j’ai vu ce film que j’avais soigneusement évité depuis sa sortie. En revanche je n’ai pas participé au débat tant il m’a paru présomptueux de vouloir apporter une contradiction audible et utile au débat animé par Michel Adam.
Parce que toute l’affaire est parfaitement limpide et démontrée. Le réalisateur Jean Paul Jaud, responsable des directs du foot sur Canal + à développé un cancer à 50 ans. Après en avoir recherché les causes, il a acquis la conviction qu’il doit ce cancer à son alimentation et en particulier à sa consommation quotidienne d’un oignon cru chaque jour, légume qui comme chacun sait est encore plus que d’autres bourré de pesticides. Il a rencontré les scientifiques auteurs de l’appel de Paris qui lui ont apporté les preuves de cette corrélation entre agriculture productiviste et cancer.
De là est née sa volonté de faire un film militant qui montre la voie à suivre. Pour sauver la planète et retrouver la santé perdue, il faut dès maintenant faire consommer une nourriture bio à nos enfants et bien évidemment convertir dans le même temps toute l’agriculture au bio.
Pour démontrer que cela est possible et que ça marche, le film montre l’exemple de la commune de Barjac dont le très gentil maire communiste a converti la cantine de l’école au bio intégral avec l’aide des producteurs bio des environs.
Le film assène la vérité qui dérange: les cancers sont en progression constante et dus à la pollution de l’environnement consécutive à l’utilisation d’engrais et de produits chimiques par l’agriculture. D’éminents scientifiques l’affirment et l’ont démontré. Le film leur donne la parole. L’agriculture productiviste c’est donc la mort alors que le bio c’est la vie. Parce que comme le dit par deux fois un enfant, le bio ça veut dire que ce n’est pas traité. Et puis en plus le bio c’est bien meilleur, plus gouteux, plus dense, plus tout. Périco Légasse, plus Marianne que jamais, constate par lui-même et pour nous que la terre est morte dans la vigne de l’agriculteur chimique et qu’elle est bien vivante dans la vigne de l’agriculteur bio.
Lors du débat qui a suivi, il a été fait la preuve que le bio en Charente peut répondre à la demande et à la logistique nécessaire pour les cantines qui veulent passer au bio. Si c’est apparemment plus cher, ça ne l’est en fait pas vraiment tant le rendement nutritionnel est meilleur. Les marchés publics sont un frein mais sont surtout une belle connerie comme l’a redit Jean Yves Le Turdu qui, en humaniste khmer vert, n’a pas l’intention de mettre de l’eau dans sa chlorophylle. Alors comme l’a très bien dit Michel Adam tout ça n’est qu’affaire de conscience et de volonté politique et si les élus ne suivent pas les aspirations légitimes des citoyens, on les changera aux prochaines élections. Un problème quand même demeure. Les agriculteurs semblent étonnamment réfractaires à l’abandon de la mort pour la vie en raison d’on ne sait trop quel atavisme, vice, ignorance, conditionnement, goût du profit ou esprit malfaisant qu’il mériterait de faire étudier par des experts.
Finalement le moins à la noce vendredi soir ce n’était finalement pas vraiment moi, l’agriculteur raisonné mais productiviste quand même (selon le qualificatif convenu dans la bonne société), qui pouvait opportunément grâce à cette soirée écouter et observer les attentes d’une partie de mon environnement, mais bien le maire de Barbezieux. Je ne suis en effet pas sûr que la prudence qu’il a affichée vis-à-vis de la conversion au bio de sa cantine ait enthousiasmé le public "progressiste" de la salle.
Alors est-ce que tout cela est vrai ? Notre nourriture est-elle bourrée de pesticides qui nous donnent le cancer ? Les « vérités » scientifiques assénées tout au long du film et reprises au cours de la soirée sont-elles vraiment des vérités scientifiques. Peut-on faire confiance à Jean Paul Jaud, Dominique Belpomme, François Veillerette, Philippe Desbrosses, Marc Dufumier et autres Charles Sultan ? Bonjour la phonétique! Je laisse à d’autres le soin d’argumenter contre ces « experts » et je vous propose de cliquer sur les liens et de vous balader sur le site Alerte Environnement pour en savoir plus sur ces sommités qui nous polluent l'information.
J’ai déjà dit ici l’admiration que j’avais pour Jean Marie Lespinasse, un chercheur de l’Inra maintenant à la retraite
qui continue inlassablement de promouvoir un savoir faire de production sans aucun produit phytosanitaire (même estampillé biologique) ou engrais chimique. Je continue de recommander son
livre « mon jardin naturel » à tous ceux qui souhaitent produire pour eux-mêmes des fruits et des légumes. Pour les y aider, l’heure est peut-être venue pour les municipalités de
réserver dans leur document d’urbanisme des terres pour proposer de nouveaux jardins, autrefois dits ouvriers, à la population.
Et puis je me félicite encore si de plus en plus d’agriculteurs réussissent à produire et à vivre en respectant le règlement européen qui régit l’agriculture biologique. Nous aurons tous forcément beaucoup à apprendre d’eux. La fantastique promotion qui est faite pour le bio suscite un engouement tel qu’il permet d’assurer un marché et des prix qui stimulent la prise de risque de la production bio.Tant mieux.
Mais il faut évidemment être encore plus radical. Si la population, les scientifiques, les agronomes, les politiques, les autorités spirituelles, ont la conviction qu’il est possible de gérer l’environnement et de répondre aux besoins en nourriture du pays en renonçant à l’usage de tous les produits interdits par la production biologique, mais aussi à certains utilisés par cette même agriculture biologique comme le neem ou la roténone qui sont aussi très dangereux pour les utilisateurs, il me semble qu’il faudrait prendre la décision d’en interdire immédiatement l’usage aussi bien pour l’agriculture que pour les particuliers et les collectivités. Comment justifier en effet de persister à prendre des risques inutilement. Pour accomplir la transformation vertueuse complète de notre agriculture il suffirait en complément de fermer les frontières aux produits non biologiques pour assumer pleinement notre choix national et le rendre économiquement viable.
Mais si comme j’en ai la conviction, cette perspective n’est pas validée par d’autres que Belpomme et consorts verts de ville et que les conséquences que cela suppose ne correspondent pas à ce que veulent vivre la majorité de nos concitoyens, alors il est nécessaire de ne pas idéaliser le bio et de ne pas diaboliser 98% de la production agricole actuelle. La voie du progrès pour notre société et sa production agricole impose plutôt d’améliorer en permanence les connaissances et les moyens de protéger les plantes, les sols, la qualité sanitaire des aliments et l’environnement en sollicitant encore plus la technologie, la science et pas plus que de besoin la chimie. Contrairement à ce qui est faussement rapporté dans le film la FAO ne dit pas autre chose.
Evidemment il est quasi impossible de faire un film de propagande avec un sujet comme ça qui puisse mobiliser Attac déjà
aux avant postes localement pour dénoncer l'émergence d'un capitalisme vert. Mais je m'égare et ne dois pas couper l'herbe sous le pied du débat passionnant à venir...
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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