16 Février 2013
J’ai profité de ma présence mardi au siège de la pomme pour couvrir en fin de journée les quelques 500 mètres qui séparent le 129 boulevard Saint Germain du 15 rue de Vaugirard. J’ai ainsi pu assister au Sénat à l’assemblée générale de l’ARCEA (Association Route Centre Europe Atlantique) présidée par le maire de Royan, Didier Quentin. J’ai rencontré sur le chemin et au café la délégation charentaise de l’association Axe Nantes Méditerranée, elle-même membre de l’ARCEA. Guy Traumat, Jean Noël Dupré, Christian Faubert et moi-même avons été rejoint ensuite dans la salle de réunion par Pierre Baudriller et le sénateur, président du Conseil Général, Michel Boutant.
Les débats nourris qui sont intervenus avant la fin du rapport d’activité du président délégué général, le sénateur de Saône-et-Loire Réné Beaumont, se sont tous focalisés sur les perspectives du côté est de la route Centre Europe Atlantique.
Dernier TGV oblige, j’ai malheureusement du partir avant que ne soient abordées les problématiques à l’ouest. Mais j’ai tout de même eu le temps de surprendre, hors de la salle, un court échange entre Jean Noël Dupré et Michel Boutant, qui était lui aussi sur le départ. Le premier insistant sur la nécessité de défendre la création d’un barreau autoroutier entre Roumazières et La Croisière et le second sur la priorité absolue qu’il faut donner avant tout autre projet à l’achèvement de la mise à deux fois deux voies de la RN 10 et de la RN 141 dans toute la Charente.
Les plus anciens lecteurs de ce blog se souviennent du grand nombre d’articles que j’ai consacré à ce sujet stratégique essentiel pour notre département bien sûr, mais aussi pour le pays tout entier (15 articles classés dans la catégorie RN 10). L’incompréhension dont j’ai été une nouvelle fois le témoin entre d’un côté, l’un des rares défenseurs d’une autoroute pour traverser le département du sud vers l’est et de l’autre, un arcbouté de la mise à deux fois deux voies par l’Etat de la RN 10 et la RN 141, m’incitent une nouvelle fois à mettre en perspective ce débat pour tenter de rapprocher les points de vue sur la question. Puisque nous souhaitons tous évidemment que le réseau routier en Charente soit le plus tôt possible en adéquation avec le trafic qu’il supporte et permette ainsi le développement harmonieux des territoires.
Les entreprises soucieuses d’améliorer leur organisation et leur efficacité s’autorisent quelquefois à faire découvrir leurs pratiques à des observateurs issus d’horizons intellectuels et professionnels divers. Ceci afin d’obtenir de leur part ce que l’on peut appeler un rapport d’étonnement. Le plus souvent la force de l’habitude associée à un peu de lassitude conduisent à ne plus voir des disfonctionnements qui sautent aux yeux instantanément à celui qui à un regard neuf.
L’exercice me semble tout aussi pertinent pour penser l’amélioration du réseau routier. Imaginons un instant qu’un géographe féru de Braudel puisse voir de très haut les flux de véhicules qui traversent la Charente et les départements alentours. Nul doute qu’il constaterait assez vite un corridor de fret dominant en provenance du Portugal et de l’Espagne, qui enfle à l’approche de Bordeaux pour se poursuivre ensuite en bonne partie vers la Charente et se partager à Angoulême en direction du nord et de l’est de la France et de l’Europe. De chaque côté de ces voies encombrées, notre géo stationné remarquerait des flux de poids lourds de bien moindre importance sur un tracé plus long et bombé vers l’ouest d’un côté et au travers d’un relief fortement ondulé de l’autre. Ce serait alors avec une grande surprise que ce cartésien constaterait que les deux routes les moins fréquentées, à la fois plus longues et plus dénivelées, sont de magnifiques autoroutes dotées de toute la sécurité et de tous les services liés. Un abîme de doutes envahirait alors notre observateur de retour sur terre en découvrant sous la roue des camions en provenance de toute l’Europe et en transit en Charente, une route bricolée, avec des passages encore à deux voies, sans bande d’arrêt d’urgence, parsemée de parkings de fortune, mal entretenus, comme on en rencontre encore dans certains pays en voie de développement. C’est dans l’est du département que le questionnement atteindrait son maximum, puisque le trajet le plus court pour atteindre la destination visée par les convoyeurs de fret se trouve être assez obstrué au profit d’un allongement de parcours par Limoges qui en plus est en épingle à cheveux.
Manifestement se dirait notre libre penseur, les autoroutes ne sont pas à leur place. De toute évidence le tracé naturel pour ces corridors géants de fret européen passe par Angoulême pour rejoindre Poitiers d’un côté et La Croisière et Bellac de l’autre en passant par Confolens.
Comme il n’est pas vraiment prévu que la géographie de cette zone soit profondément modifiée dans les siècles qui viennent, notre humble et modeste témoin considérerait qu’il y a lieu de réparer au plus vite les mauvais choix passés.
J’ai longtemps pensé que chaque charentais, et encore plus les élus et responsables concernés, auraient cette lucidité et cette volonté élémentaires. Force est de constater que cela n’est toujours pas le cas. Assommés sans doute et résignés depuis les choix politiques des autoroutes A10 et A89, tous les décideurs locaux ont considéré qu’il fallait se contenter maintenant d’achever avec les fonds du département, de la Région et de l’Etat d’abord, puis du seul Etat maintenant, la mise à deux fois deux voies des routes nationales 10 et 141.
Et puis, il reste si peu à faire maintenant. 11 kilomètres entre Chevanceaux et Reignac et une vingtaine à l’est sur la RN 141. Mais aussi quelques passages à niveaux au nord d’Angoulême et c’est vrai, une autre vingtaine de kilomètres entre Malvieille et la cité des Valois. Deux ouvrages d’art déjà sortis de terre attendent depuis des années une suite.
Alors à quoi bon changer de logique si près du but. D’ici une quinzaine d’année, si la crise ne s’éternise pas trop ce sera plié. Et puis qui sait, peut-être que comme cela s’est déjà fait, les charentais mettront un peu la main à la poche pour gagner un ou deux ans.
Sauf que Jean Michel Malerba, l’expert coordonateur du CEGD (Conseil général de l’Environnement et du Développement Durable), présent à l’AG, a annoncé avec beaucoup de délicatesse de vocabulaire, que la croissance atone qui risque de perdurer conduit à réviser les modèles et à différer nombre de projets bien moins urgents tout d’un coup.
Pour ce qui me concerne, je suis plus que jamais d’accord avec cet observateur naïf qui en prenant de la hauteur raisonne simplement et radicalement. J’y suis d’autant plus encouragé mes très chers lecteurs rationnels, géographes et briseurs de tabous, que je sais comment tout cela est analysé tout en haut.
Une nouvelle fois mes très chers lecteurs de ce blog d’investigation, vous allez avoir l’exclusivité de la lecture d’un document presque secret. Il s’agit d’une de ces notes techniques complétées d’éléments de langage à destination du ministre en poste temporaire et émis par une administration qui elle ne change pas.
Vous allez comprendre pourquoi il faut que la Charente revendique haut et fort une transformation en autoroute concédée de la RN10 au nord de Bordeaux comme cela a été décidé au sud. Pourquoi il faut absolument que l’on demande dans le même temps la création d’un barreau autoroutier concédé entre Roumazières et La Croisière, Bellac pour que le corridor de fret, qui s’est affirmé malgré les déroutements proposés, ait la route de liaison européenne nécessaire. C’est la condition pour la Charente soit en situation de se développer économiquement et que les moyens nécessaires à l’achèvement de la mise à deux fois deux voies entre Cognac et Limoges soient réunis au plus vite.
Parce que vous allez le lire, il est méticuleusement rappelé que « l’achèvement de l’aménagement de la RN10 n’entre pas dans la catégorie des projets développement qui ont vocation à figurer au schéma national des infrastructures de transport (SNIT).. ». « Il n’est pas non plus évoqué dans la fiche ROU6 des routes nationales dont la modernisation est jugée prioritaire. L’aménagement de la RN 10 relève des programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) et doit se poursuivre progressivement dans ce cadre ».
Et un peu plus loin on peut lire ceci : « les projets qui visent à une adaptation des infrastructures existantes (c’est le cas de l’aménagement de la RN 10 dans le département de la Charente) pour répondre à des problèmes régionaux de desserte du territoire, de sécurité, de nuisances, de congestion ou encore d’intégration environnementale mais qui ne viennent pas créer de nouvelles fonctionnalités et influencer à grande échelle les comportements avec induction de nouveaux trafics ou des reports modaux n’ont pas vocation à être mentionnés explicitement dans le schéma ».
Pour les non initiés, les grandes déclarations qui sont faites depuis tant d’années sur la prétendue priorité donnée à la mise à deux fois deux voies de la RN10 et de la RN 141 doit se comprendre à l’aune de ce document. A la suite des choix politiques de l’A10 et l’A89, l’administration qui a le pouvoir sur les routes a définitivement nié la réalité charentaise et rendu notre calvaire interminable. Il aurait suffit que la volonté politique locale refuse cette omerta et revendique une autoroute concédée de liaison européenne pour que le scénario de l’administration vole en éclats.
Mais voilà, depuis plus de 10 ans maintenant que quelques citoyens visionnaires rabâchent cette évidence, alors que le ministre Bussereau lui-même a évoqué une autoroute en 2007 à La Rochefoucauld, le refus des grands élus charentais de sortir du cadre nous a cantonné dans cette situation dégradante sans équivalent en France.
Il n’est jamais trop tard pour refuser que la Charente soit le seul département de France contourné par les autoroutes et traversé par les camions.
Qu’en pensez-vous ?
Je vous mets donc en lien le document confidentiel précité ainsi que l’article de la Charente Libre de ce jour qui nous informe que le broyeur de ronces est maintenant passé sur le tracé entre Reignac et Chevanceaux et que le reste va très logiquement suivre.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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