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Chicago blues estival.

15 août, 7h30.

Départ d'Angoulême pour Roissy,  puis Londres et Chicago. Je participerai demain pour la quatrième fois à l'Outlook Conference organisée par l'US Apple. Comme chaque année depuis plus de cent ans, les représentants des producteurs de pommes et de poires des États Unis d'Amérique se réunissent dans un grand hôtel de la ville pour annoncer et débattre de leurs prévisions de récolte. Et comme pour les producteurs d'Europe avec le Prognosfruit qui s'est tenu à Toulouse il y a 15 jours, cette rencontre est aussi l'occasion de s'intéresser aux prévisions des autres pays de l'hémisphère nord. De l'autre côté de l'Atlantique, à Chicago, ce sont le Canada et le Mexique qui vont être observés avec beaucoup d'attention. Ces deux grands voisins sont les deux premiers marchés pour l'exportation des pommes américaines. Depuis deux ans maintenant, Wapa (World Apple And Pear Association), dont le siège est à Bruxelles, vient compléter l'état des lieux avec des informations qui concernent l’Europe et l’Asie. Deux grandes réunions à quinze jours d'intervalle, entre Europe et Amérique, qui permettent d’appréhender la physionomie de la récolte à venir au nord de l'équateur. À Berlin, en février, lors du Fruitlogistica, ce sera au tour de l'hémisphère sud de se livrer à l'exercice.

Prospective et analyses stratégiques sont aussi au menu de ces réunions internationales. L'information est à la tribune, mais elle est surtout dans les couloirs et les échanges informels, hors de la salle de réunion. La substantifique moelle de ces données  ne se perçoit bien qu'au travers des échanges entre les individus sur place.

Cette année, les gelées de printemps et les mauvaises conditions climatiques pendant la floraison ont fortement chamboulé quantité et qualité pour nos pommes et nos poires en différents lieux sur les deux continents. Limousin et Michigan ont enduré la même punition. Peu ou pas du tout de récolte dans certains vergers. Pour quelques régions comme la Provence et étonnamment à l'est de l'Europe où la récolte sera très belle, on enregistre un peu partout cette année des  manques de fruits sur les arbres. Le pollen a décidément eu du mal à passer d’une fleur sur l'autre et le froid a sévèrement limité la multiplication cellulaire. Les vergers des charentes en savent aussi quelque chose.

Encore plus que d'habitude, l'heure est aux spéculations sur ce que pourront être les cours sur les marchés dans les semaines qui viennent. Parce que c'est par le prix que va tout naturellement s'équilibrer l'offre et la demande. Chicago nous le démontre très bien avec le marché des céréales. Pour ce qui concerne les pommes et les poires, producteurs et distributeurs s'observent et se toisent pour l'instant en attendant la récolte et les premières transactions. De ce côté ci de l’Atlantique, en Provence, l’effet rareté sur les prix est déjà bien au rendez-vous.

À la suite du communiqué de presse de l'ANPP qui a fait état début août d’une récolte plutôt faible, c'est la perspective de la hausse des prix au détail qui a motivé les appels  des journalistes et les titres de leurs articles. Dire que les étals de France seront normalement achalandés, puisque nous produisons habituellement le double de nos besoins pour exporter, et que les prix pourront être contenus par des optimisations demandées aux détaillants est un bon exercice de communication économique et politique pour moi.

La hausse des prix à la pompe et dans les caddies inquiète, d'autant plus en ces temps de croissance en berne, de chômage en hausse et de prélèvements de tous ordres de plus en plus insatiables. Contrairement à ce que notre nouveau président et ses ministres veulent faire croire depuis quelques semaines, on ne contre pas les effets de la rareté par un blocage des prix. Pas plus que ceux de l'abondance d'ailleurs. Ce serait si simple. C'est d'ailleurs assez désespérant cette obstination à ne vouloir faire que des ronds dans l'eau. Pansements et langue de bois, pour tout programme politique, peuvent malheureusement faire illusion quand on excelle dans l'exercice. Mais le vernis ne va pas tarder à craquer sous la pression des dures réalités. Quand Moscovici parle du blocage du prix de l'essence sur Europe 1, c'est vraiment l'indécence dans le poste que je perçois être le vrai danger pour les français.  Mais c'est un autre sujet dont je reparlerai bientôt.

Les nouvelles de Syrie que j'ai entendues ce matin laissent entendre que le calvaire de la population pourrait prendre fin bientôt. Bachard Al Assad ne contrôlerait plus que 30 pour cent du pays selon son ancien premier ministre et les défections dans les rangs de ce qui reste de son pouvoir se multiplient. Les américains y invitent. Chaque jour qui peut être gagné doit l'être. Je laisse à d'autres le soin d'apprécier si la France fait suffisamment pour abréger la transition vers un autre avenir pour ce pays. Je suis évidemment enclin à suivre le point de vue que François Fillon exprime dans le Figaro de lundi dernier sur l'attentisme trop prudent de François Hollande. Reproche qui lui est également fait par Bernard Henri Lévy qui est pourtant de son camp. Je viens de lire la tribune qu'il publie dans le Monde daté d'aujourd'hui ou il demande des "avions pour Alep". L'argumentation est solide. Je sais la difficulté qu'il y a à forcer le barrage du dénigrement de tous ceux qui ne voient en BHL que son look, ses manières et sa fortune, pour s'intéresser honnêtement à ce qu'il fait, dit et écrit. Je ne suis pas déçu d'avoir franchi ce pas depuis longtemps.

J'ai lu les dernières pages dans le TGV ce matin de son journal des deux cent jours du printemps Libyen, "la guerre sans l'aimer".  C'est parfaitement passionnant et je vous en recommande vivement la lecture sans hésiter.

Chicago le 16 août.

On me loge comme chaque année chez Accord. Au 28ème étage. Vue imprenable sur la ville. Dans ce quartier, c'est un mélange de quelques immeubles bas, anciens, chamarrés d'enseignes lumineuses, de panneaux publicitaires, et de grands immeubles design. Il a toujours en bas de l'hôtel ce distributeur de billets ATM vieillot dans un mur de l'épicerie. Quand ça "bogue", c'est le commerçant qui sort dans la rue avec son tournevis. Drôle de pays quand même.

Hier soir malgré la durée du voyage, grâce au décalage horaire qui porte la journée à 30 heures, je suis arrivé à temps pour faire un tour dans le quartier derrière l'hôtel où se trouvent de nombreux bars et restaurants et où les terrasses sont pleines de monde.  J'ai mes habitudes à "Backroom"', un petit Club ou jouent d'étonnants bluesmem. Une bière bouteille. Faut demander pour avoir en plus un verre. Mais bon, c'était déjà comme ça quand on allait voir Claptoo. Un billet de 20 dollars et je repars avec une liasse de billets de un dollars. L'équivalent de notre billet de cinq francs d'avant.

Donc ce matin je déjeune continental. Pas dépaysé. Petit pain, pain au chocolat, croissant,  pain au raisin et petits pots de confitures Bonne maman. Tiens Andros se rappelle à moi. Quel sera donc le prix de la pommepour la compote cette année?

Lecture des journaux sur l'Ipad. La croissance durablement en berne dans la zone euro. Les marchés partagés sur l'avenir de l'euro. Les titres reflètent ce doute qui s'installe et qui enfle. Hier j'ai lu The Economist dans l'avion. En première page on voit Angela Merkel renfrognée. Avec cette question. Tentée Angela? De casser l'euro.....Suit le fameux éditorial de l’hebdomadaire tout entier consacré au sujet. Où l'on apprend que l'Allemagne étudie ce plan B. Pour l'instant c'est plus cher que de tout faire pour garder l'euro. Sauf si l'Europe ne fait que parler...Dans ce cas, la donne va vite changer. Et en page intérieure le journal s'essaie à décrire le scénario secret du plan B. Je redis aujourd'hui ce que j'évoque prudemment depuis plusieurs mois sur ce blog. L'adhésion démocratique aux règles nécessaires au maintien de la monnaie unique est quasi impossible à obtenir. Réformes structurelles, respect de critères exigeants, réduction des écarts de compétitivité par des baisses de salaire ou du travail en plus, amélioration de l’efficacité publique, tout cela ne sera pas obtenu facilement du peuple de la plupart des pays concernés, dont la France. Une monnaie nationale est seule en capacité d'assurer la pédagogie économique aux citoyens en reflétant mécaniquement la réalité de l'état économique du pays. C'est le retour en boomerang des impasses faites lors de la création de l'euro que nous sommes en train de vivre. Cette construction monétaire technocratique est aujourd'hui à son moment de vérité. Le miracle serait que la perspective de plus en plus probable de la fin de l’euro soit si effrayante que chacun des gouvernements en poste développe des trésors de pédagogie pour expliquer et assumer le fédéralisme nécessaire au maintien de l'euro. Que chaque gouvernant mette en œuvre toutes les réformes structurelles indispensables à la convergence des compétitivités. Ainsi se confirmerait la théorie de Jean Monnet selon laquelle l’Europe progresse en surmontant les crises. J’ajouterai qu’il y a un autre tour de force à accomplir par les Etats. C’est de supprimer au maximum la collecte et la redistribution d'argent par l’échelon européen et toute l'administration kafkaïenne qui va avec. Je suis surpris de l’omerta généralisée qui couvre les résultats ubuesques de ces tuyaux de financements. Etonnamment les politiques de tous bords semblent se satisfaire de l’illusion d’efficacité et de péréquation qui évidemment les justifient, ce qui en soi leur suffit sans doute. Alors autant demander à quelqu'un de scier la branche sur laquelle il est assis. Sauf que la compétition avec le reste du monde ne nous autorise plus ces surcoûts inutiles qui handicapent nos économies et notre pouvoir d’achat pour nourrir l’ogre.

Vendredi 17 août.

Le président de l’US Apple Dale Foreman a ouvert la journée par une intervention captivante. Il sait faire passer les messages à son public cet ancien politique reconverti à la pomme.

C’est difficile à croire, mais le sujet du jour pour l’Etat du Washington comme dans une moindre mesure dans le reste du pays, c’est le manque cruel de main d’œuvre pour cueillir les pommes. Pénurie liée aux lois sur l’immigration et le travail. Il a vendu aux arboriculteurs présents dans la salle l’absolue nécessité de participer aux fund raising des candidats aux élections pour que le dossier soit efficacement défendu. Il a fait aussi une belle démonstration de la nécessité d’être présent auprès du pouvoir politique pour obtenir le cadre législatif et réglementaire nécessaire à l’économie de la pomme et de la poire. Une confirmation de plus que notre association aussi est indispensable.

Cette fois ci, départ de Chicago dès la fin de la réunion, après un déjeuner light en compagnie d’Umberto qui me raconte sa vision des Etats Unis. Il est présent depuis déjà trois mois sur le sol américain. Il s’est marié quelques jours plus tôt dans une grange du Tennessee.  Etonnante par exemple cette analyse par un membre de sa nouvelle famille du drame de la fusillade survenue quelques jours plus tôt dans un cinéma. Le scandale serait selon ce défenseur du second amendement qu’aucune personne armée et entrainée n’ait été présente dans la salle pour empêcher de nuire le forcené.

Taxi, O’hare, la navette et arrivée on time à la Guardia, New York. Cette fois ci je me suis programmé une halte privée de 48 heures à Big Apple. Taxi pour rejoindre l’hôtel abordable (sharing bathroom) réservé par internet à l’angle de Colombus et de la 79ème  rue, en bordure du parc Théodore Roosevelt, lui même limitrophe avec Central park. J’écoute quelques échanges sur NBC New York entre le maire Mickael Bloomberg et Rupert Murdock. Immigration, aides sociales et chômage sont au cœur du débat. La vision du monde de ces deux hommes ferait facilement scandale dans notre pays.

Et puis, il n’y a pas une minute à perdre et je descends prendre mes premiers repères dans la ville. En fait il suffit de savoir où se trouve le nord, ensuite se balader dans cette ville, comme dans la plupart des villes américaines, devient un jeu d’enfant. Il est préférable quand même d’avoir de bonnes jambes.

Je descends à pied à Times Square sans mon appareil photo. Dommage, je n’aurai pas ces images d’enseignes lumineuses et de foule à vous montrer. De retour près de mon hôtel, j’entends monter de la musique d’une cave. Je descends quelques instants humer l’ambiance et écouter.

Samedi 18 août :

Je vous renvoie aux photos que je j’ai prises tout au long de cette journée de marche à travers la ville, Greenwich Village, Little Italy, Chinatown, Wall street et le port sur East River.

En soirée, je pose l’appareil photo et je redescends au Lincoln Center pour écouter du jazz dans le célèbre Dizzy’s Club Coca Cola. Raffiné, chic, cosy. Mais le type maître des lieux, armoire à glace balourd plus tout jeune, parle du jazz comme d’une musique qu’il faut aider à vivre et remercie le public de venir applaudir Cedar Walton et ses talentueux musiciens. Un côté naphtaline que la musique soignée que j’ai entendue n’a pas réussi à dissiper.

Retour sur Times Square pour en prendre encore plein les yeux et toujours sans appareil photo. Diner au bar vers minuitdans une sorte de brasserie américaine dont la carte a des consonances françaises, un peu à l’écart de la rue passante et de la foule. Belge plutôt me dit justement le français derrière le bar. 

Dimanche 19 août:

Ça y est je suis New yorkais. J’achète le New York Times chez l’épicier du coin  aux allures de pakistanais style zone tribale et je prends mon petit déjeuner à l’angle de Colombus avenue et de la 82ème rue en terrasse. L’édition du week-end est bien plus lourde que le modeste Figaro. Bien plus de feuillets aussi. Je savoure tout, le thé, le muffin, le croissant et la confiture en même temps que la lecture du journal dont je trouve le graphisme élégant et les articles particulièrement pertinents. Comment les nouvelles générations de robots vident les usines de leur main d’œuvre mais les relocalisent chez nous. l’Euro, la croissance, la Syrie etc….

Balade dans Harlem où j’entre dans une église pour voir comme des milliers de touristes le font chaque jour quelques instants du spectacle de la ferveur noire et des chants accompagnés à la guitare électrique. La foi swingue fort et les habits du dimanche des paroissiennes valent le détour.

Rendez-vous avec Jonathan devant le Grand Metropolitan Museum, puis Bryant Park, casse croute mexicain et ballade dans le quartier de la bibliothèque. Parade indienne et puis chemin du retour pour ne pas rater l’avion pour Paris.

Dimanche 26 août.

Avant-hier soir j’ai appelé Jonathan, dont l’école se trouve au pied de l’Empire State Building pour savoir s’il était sur les lieux quand la fusillade du jour s’est produite. Il me répond qu’exceptionnellement, il n’est pas allé en cours à l’heure ce matin là, parce qu’il avait des soucis de transport en commun depuis le Queens où il loge. Arrivé sur les lieux plus tard, rue barrée et cohue l’attendaient et il a retrouvé des collègues d’école qui ont été prises dans la panique sans être blessées. Heureux hasard quand même.

New York est bien la ville qui ne dort jamais. En tout cas j’ai vérifié qu’elle tient éveillé. J’y retourne dès que possible mes chers lecteurs.

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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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