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Cas d'espèce.

Un projet qui me semblait consensuel et logique a déclenché cette semaine et à ma grande surprise des réactions extrêmement vives de la part de collègues professionnels que j’apprécie et dont je suis assez proche. J’ai forcément été déstabilisé dans un premier temps et j’ai du approfondir ma réflexion pour vérifier le bien fondé de la voie que j’entends poursuivre dès lundi.

 

Pour la plupart des lecteurs de ce blog cet article n’aura malheureusement que bien peu d’intérêt et ils peuvent s’abstenir de le lire. Je ressens pourtant la nécessité d’écrire mon raisonnement sur le problème qui se pose et je le publie ici pour l’acter et le porter à la connaissance de tous ceux qui sont concernés.  

 

Jusqu’à la fin de 2008, l’organisation économique des fruits et légumes était fondée sur des organisations de producteurs regroupées par bassins géographiques dans des comités économiques reconnus par les pouvoirs publics pour leur rôle structurant et pour les missions qui leurs étaient déléguées. A l’intérieur de ces comités, les représentants des différentes productions de fruits et de légumes se réunissaient par sections régionales, qui elles mêmes se retrouvaient pour former des sections nationales chargées d’élaborer des stratégies et de mettre en œuvre des plans d’action. Les sections régionales tout comme les sections nationales n’étaient cependant que des commissions dont les décisions, dès lors qu’elles avaient une incidence financière en termes de cotisation des membres ou d’utilisation des fonds collectés, devaient être validées par les entités juridiques réelles qu’étaient les comités économiques selon les modes de délibération statutaires en vigueur. Les présidents de section travaillaient pour cela au quotidien en étroite collaboration avec des salariés des comités dont ils n’étaient pas l’employeur direct réel. C’était un système forcément imparfait qui visait à concilier à partir d’une même structure juridique le traitement de problématiques spécifiques à chaque produit et des problématiques transversales à tous les fruits et légumes.

 

Les représentants des producteurs de pommes, comme ceux d’autres fruits et légumes, souffraient de ce que les sections régionales et les sections nationales n’aient qu’une existence virtuelle et que le vrai pouvoir appartienne à la réunion de l’ensemble des organisations de producteurs de tous les fruits et légumes, aussi bien au plan régional qu’au plan national, c'est-à-dire aux comités économiques et à leur fédération nationale.

 

Le moins que l’on puisse dire c’est que cette organisation était plutôt compliquée et qu’à tout vouloir embrasser elle peinait à atteindre ses objectifs multiples et l’efficacité attendue. Mais le système avait aussi ses avantages. La réunion de l’ensemble des productions permettait par exemple une mutualisation des moyens très utiles pour les petites productions. L’adhésion obligatoire aux comités de toutes les organisations de producteurs reconnues au titre de l’OCM fruits et légumes donnait aussi une stabilité de ressources assez confortable au système.

 

Fin 2007, assez brutalement, les pouvoirs publics ont mis fin à la reconnaissance officielle des comités et proposés aux produits de s’organiser en associations nationales d’organisations de producteurs par produits. Un nouveau grand chamboulement allait commencer.

 

Les comités économiques se sont pour la plupart dès cet instant reconvertis en association de prestation de service pour les organisations de producteurs et principalement pour l’expertise juridique des programmes opérationnels dans le cadre de l’organisation commune des marchés. Ils se sont également donné des objectifs d’interface avec les départements et les régions pour les politiques qu’ils développent pour les filières fruits et légumes. Certains ont conservés tous leurs membres sur ces objectifs, d’autres en ont perdu. Et puis le comité Bretagne par exemple a choisi de garder sa dimension régionale multi produits et de se faire reconnaître comme association territoriale d’organisations de producteurs, ce que le droit lui permet. 

 

Dans le même temps les organisations de producteurs de pommes et de poires, comme celles d’autres produits, se sont engagées dans la voie proposée par l’Etat, mais surtout voulue par elles mêmes, et ont crée des associations réunissant les entreprises volontaires concernées.

 

Si la reconnaissance accordée par les pouvoirs publics permet dès maintenant à ces associations d’organisations de producteurs d’en être l’interlocuteur direct pour les questions qui les concernent, ces mêmes pouvoirs publics demandent à ces nouvelles associations produits d’organiser leur représentation transversale dans certaines instances. L’association nationale pomme poire s’engage donc depuis quelques jours avec ses homologues tout naturellement dans cette voie. Et c’est là qu’une difficulté majeure apparaît.

 

En effet, même après avoir perdu leur reconnaissance officielle les structures juridiques antérieures des comités de bassins continuent d’exister et ont toujours pour membres la plupart des organisations de producteurs qui par ailleurs se sont constituées en associations nationales d’organisations de producteurs pour gérer leur produit. L’effectif salarié s’est nettement réduit et leur activité se fonde maintenant, comme nous venons de le voir, sur des prestations de service. La fédération nationale des comités économiques existe encore et ses représentants siègent toujours dans les instances nationales comme INTERFEL ou le CTIFL.

Il se trouve également que l’annonce début août d’une décision de justice européenne qui impose à l’Etat français de récupérer avec intérêts des sommes versées de 1992 à 2002 à la filière fruits et légumes a remis sous les feux des projecteurs la fédération nationale des comités économiques et son  président,  chargés d’assurer la défense de toutes les organisations de producteurs concernées. L’idée que cette structure puisse continuer d’assurer la représentation des organisations de producteurs de fruits et légumes malgré la création des associations nationales produits et la perte de reconnaissance de ses anciens comités membres s’est alors remise à prospérer. D’ailleurs, à l’initiative de la seule fédération des comités (FEDECOM) une grande réunion de toutes les organisations de producteurs de fruits et de légumes a été programmée pour le 18 septembre à Paris pour réfléchir à une évolution de la représentativité à envisager pour tenir compte des nouvelles entités apparues. Les associations nationales sont bien sûr également invitées comme les OP qui les constituent, mais seulement comme de nouveaux sous ensembles de l’organisation économique et aux côtés des comités économiques de bassins qui perdurent sous une autre dénomination. 

 

Y compris parmi les dirigeants des nouvelles associations nationales de producteurs deux écoles différentes se font jour. Pour certains, organisations territoriales et associations nationales produits ont vocation à se retrouver sous la même bannière de FEDECOM pour parler d’une seule voix et déléguer des représentants dans les différentes instances nationales. Cette option étant annoncée comme celle qui en faisant l’unité des deux types d’organisation permet de renforcer la représentation de toute l’économie des fruits et des légumes.

 

Au premier abord cette approche peut sembler la plus porteuse de consensus et la plus immédiate puisqu’elle ne nécessite aucune création d’entité juridique nouvelle. Il faut pourtant y regarder de plus près et s’interroger sur les finalités de la création des associations par produits à partir de la volonté des organisations de producteurs.

 

Débattre de la représentation collective des associations d’organisations de producteurs nationales par produit dans le cadre de la fédération des comités économiques, aux côtés des comités économiques devenus associations territoriales de services mais aussi aux côtés des organisations de producteurs qui constituent les entités territoriales et les entités produits, comme cela sera proposé le 18 septembre sous l’autorité du président en exercice, me semble incohérent à plusieurs titres.

Tout d’abord cette enceinte a une culture de la représentation transversale et s’est longtemps opposée à la recherche d’autonomie des produits à l’époque toute récente des sections nationales. Cette culture est toujours très présente encore aujourd’hui. La volonté de réunir toutes les OP démontre ce souhait d’aller chercher la légitimité le plus en amont possible. L’important travail déjà accompli par les OP pour se réunir par produits en associations nationales est de ce fait fortement minimisé et recadré. Si pour le dossier plan de campagne cette démarche est pleinement justifiée et validée par tous il ne peut en être de même pour la nouvelle représentation nationale des produits à réussir maintenant. Les deux sujets ne relèvent pas de la même assemblée.

 

Faire adhérer les nouvelles associations par produits aux côtés des anciens comités économiques transformés en associations territoriales de services conduirait à exacerber une compétition en légitimité entre elles sur bien des dossiers auprès des pouvoirs publics et auprès des OP membres. Cette incohérence affaiblirait inutilement les associations produits qui doivent être extrêmement rigoureuses dans leur recherche d’efficacité auprès de leurs membres. Dans cette phase de jeunesse et de fragilité toute erreur stratégique de ce type aurait de graves conséquences.        

 

Pour le dire plus simplement, une même organisation de producteur ne veut pas se faire représenter nationalement pour les questions transversales dans une même instance et simultanément par d’un côté une association territoriale de service et d’interface politique régionale, et de l’autre une association nationale pour le fruit ou le légume qui la concerne. C’est ce que j’ai pu vérifier concrètement auprès d’un grand nombre des adhérents le l’association nationale pommes et poires lors de mes visites sur le terrain.

 

La question du coût d’une nouvelle structure ne se pose pas puisque la fédération actuelle n’a pas de moyens propres pas plus que l’association à créer n’en a besoin pour l’instant.

 

Jusqu’à ce stade je n’ai pas évoqué le choix des pouvoirs publics qui valide en tous points cette construction déterminée par le retrait de la reconnaissance aux comités de bassin et l’incitation à une organisation par produits. L’objectif des entreprises qui se sont constituées en association nationale pour agir ensemble dans un esprit de groupement d’intérêt économique pour traiter ensemble les questions collectives est forcément prioritaire à mon sens à toute autre considération. Cela a été maintes fois validé depuis juin 2008 pour ce qui concerne la pomme et la poire et sans doute aussi pour les autres produits. Pour autant cette validation à priori par l’Etat de ce projet d’association des AOP nationales par produit est un levier supplémentaire de la réussite dans la construction engagée par les organisations de producteurs.

 

Nos principaux pays compétiteurs pomme et poire sur la planète sont aussi pour la plupart fortement organisés verticalement par produit. USApple, Pipfruit New Zealand, Assomela sont les plus célèbres et nous avons bien évidemment beaucoup à apprendre d’eux. C’est ce challenge de l’efficacité qui a motivé les entreprises pour adhérer au projet de l’ANPP et c’est aussi le mien.

 

Cette voie de la représentation nationale qui me semble la seule possible n’est en aucun cas en opposition avec une totale solidarité avec la défense des organisations de producteurs engagée par FEDEDOM sur le dossier des plans de campagne de 1992 à 2002, dont l’Europe exige auprès de l’Etat français qu’il récupère les sommes versées majorées des intérêts. Quelque soit l’organisation nationale, FEDECOM ou l’association des AOP à créer, il s’agit à la base des mêmes membres et il ne peut donc y avoir aucun conflit durable. La clarté, la simplicité des règles et la cohérence de l’organisation sont déterminantes pour la réussite de l’organisation économique des fruits et légumes. La voie que je propose de suivre aux membres de l’ANPP de se réunir avec les autres associations du même type (AOP, SIPMM,  …) est, faut-il le rappeler motivée, par les seules exigences qui m’ont été clairement exprimées par les membres lors de la constitution de l’ANPP.

 

J’assume cette analyse et les choix qu’elle me conduit à proposer à mon association dès demain. Je serai évidemment très attentif à toute autre analyse exprimée clairement qui démontrerait le bien fondé pour l’efficacité économique de la filière fruits et légumes d’une autre organisation de la représentation transversale nationale.

 

L’argument le plus souvent évoqué pour critiquer cette démarche est que la crise extrêmement sévère que les producteurs subissent en ce moment sur les marchés doit seule nous mobiliser et que ces questions organisationnelles doivent être envoyées à plus tard et qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause ce qui marche. Je sais par expérience que nous devons faire les deux à la fois et que les crises conjoncturelles doivent beaucoup aux questions de fond jamais traitées parce que les circonstances ne sont jamais favorables pour le faire.

 

        

 

      

 

 

 

      

 

 

 

 

 

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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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L
en effet le dossier est compliqué, il me fait penser à pls choses : - comme pour les territoires, on voit que chez vous aussi les enjeux sont des enjeux d'existence et de pouvoir et que malheureusement le projet est relégué au 2ème plan- comme pour les territoires, il est presque impossible de faire disparaître les structures existantes, on préfère l'empilement des structures -comme pour les territoires, on préfère créer une nouvelle organisation, qui ne coûtera évidemment rien!!!, que de réfléchir à un projet global d'organisation tourné vers?? qui d'abord les clients (fruits et légumes c'est à peu près tout ce qu'on comprend à tout cela), les pouvoirs publics pour le lobbying (être surgroupé pour le poids ou groupés pour l'intérêt commun?), pour les acteurs eux mêmes (pour quel projet?)-comme pour les territoires on pense petites guerres et grands égos au lieu de réfléchir projet et réorganisation adaptée au projetvous qui indiquiez si souvent que le privé et le public sont deux mondes si différents (la vraie vie et l'autre), en lisant cet article je suis RAVIE que votre monde ressemble tant au mien. Et dans le même ordre d'idée, je suis très étonnée qu'en tant que Président de l'UMP Charente vous n'ayez pas parlé du projet de réforme des collectivités, texte du Ministère d' lIntérieur diffusé en juillet 2009, un tel retard de réaction m'étonne sur un sujet qui va boulverser nos territoires!!!  et donc vos impôts, j'espère que vous serez aussi prolixe sur le sujet que moi lectrice attentive de vos doutes fruitiers! Merci
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D
J'ai le souvenir de subventions détournées de leur but dans le cadre de l'opacité des comités économiques: la "rénovation du verger de poirier" ayant servi à financer une spéculation absolument pas controlée par les producteurs, celle du cassissier au milieu des années 80 (suite à Tchernobyl).Il est évident qu'un chapiteau aussi large est aussi une manière de masquer les vrais problèmes et les spécificités de chacun... 
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