C’est par ces mots qu’Henri De Richemont a salué bruyamment le secrétaire d’Etat aux transports en entrant avec un quart d’heure de retard dans la salle de réunion
de la mairie de Chabanais vendredi matin. Dominique Bussereau lui a répondu qu’il n’y était quand même pour rien, que son père avait bien été cheminot à la SNCF mais qu’il n’y travaillait plus
depuis un certain temps. Le sénateur a renchérit sur le même ton lui répondant du tac au tac : « c’est sans doute pour ça ».
L’assistance s’est esclaffée de rire. L’ambiance était à la bonne humeur et à la complicité pour cette rencontre très attendue entre les associations locales, les
élus, les services de l’Etat et le secrétaire d’Etat aux transports.
Mais que savons-nous de plus après les échanges de cette matinée des perspectives d’amélioration concrètes des conditions de circulation sur le réseau routier
national en Charente ?
Techniquement l’échéance de 2012 pour la mise à deux fois deux voies de Reignac Chevanceaux, les contournements de La Rochefoucauld et de Chabanais semble crédible.
Sur ces trois sites de nombreux signes d’activité semblent rassurer la population quant à la volonté de l’Etat de faire aboutir les chantiers dans les meilleurs délais. Dominique Bussereau a
clairement affirmé sa volonté d’agir dans ce sens et les participants l’ont pour cela vivement remercié et encouragé. Est-ce à dire qu’il n’y aurait plus de raisons d’être inquiet sur les
échéances et sur la qualité future du réseau routier national en Charente ? Pas tout à fait quand même.
Quels sont alors les chainons manquants qui justifient que l’on puisse encore douter du déroulement annoncé des opérations à venir ?
L’incertitude principale c’est bien entendu le financement. A ce jour l’Etat n’a pris aucun engagement ferme et le ministre est resté d’une très grande prudence à
Chabanais sur la garantie du financement des travaux. En fait il n’a pu que déclarer que dans l’affectation des sommes qui seront allouées au Poitou Charente dans le cadre du PDMI qui doit être
annoncé au printemps, la Charente serait très prioritaire. Il a aussi pu confirmer la création d’une taxe pour le transport routier sur les routes nationales et un mode de facturation novateur
qui ferait appel à de la technologie embarquée du type GPS pour mesurer précisément les parcours à taxer. De nombreuses difficultés techniques demeurent parmi lesquelles la nécessaire
harmonisation avec les pays voisins européens qui s’engagent dans la même voie n’est pas la moindre. Le produit attendu pour cette taxe est évalué à ce jour à un milliard d’euro par an. C’est
cinq fois moins que ce que le jeune trader de 31 ans à réussi à faire perdre à la société générale, mais c’est quand même forcément une belle somme. Le problème c’est que le Grenelle prévoit que
ce montant doit être prioritairement affecté aux investissements pour les transports collectifs alternatifs à la route. Comme je l’avais déjà rapporté ici, Patrice Parise, le directeur des
routes, a clairement indiqué aussi devant les membres de la RCEA (route centre Europe atlantique) que les financements traditionnels de la route en France seront aussi à la baisse à la suite du
Grenelle. C’est quand même beaucoup de handicaps pour affecter à la Charente des moyens exceptionnels pour ses routes. Difficile de croire que le reste du pays sera suffisamment solidaire des
charentais pour leur laisser la priorité absolue dans la répartition des enveloppes. Dominique Bussereau a d’ailleurs insisté auprès des parlementaires pour qu’ils le soutiennent dans les futures
négociations avec Bercy.
C’est dans ce contexte que j’ai souhaité repréciser au ministre qu’au-delà de la résolution d’une situation locale dramatique il s’agit de mettre à niveau la route
devenue un formidable corridor incontournable de fret international. J’ai rappelé que c’est aussi pour tenir compte des difficultés budgétaires nationales que nous militions pour la création sur
le chemin le plus court d’un barreau autoroutier entre Roumazières et La Croisière par concession à un opérateur privé.
Dominique Bussereau est alors intervenu pour dire qu’il fallait cesser de rêver parce que le Grenelle venait de mettre un point final au programme autoroutier
français. Et pour ce qui concerne le corridor de fret bien réel c’est du fer et de la mer que doivent venir les allègements de trafic. Ce qui confère une grande probabilité à un retour de la
répartition du trafic des poids lourds dans l’est de la Charente à terme entre la RN141 et la départementale 951 quand les déviations de Saint Claud et de Mézières sur Issoire seront à leur tour
réalisées avec l’argent des contribuables départementaux.
Bon si je résume, Reignac Chevanceaux, Roumazières, Chabanais sont bien considérés comme prioritaires mais dépendent d’enveloppes encore très incertaines à ce jour.
Les échéances peuvent donc une nouvelle fois être plus lointaines que ce que nous espérons. La sécurisation complète de la RN10 au nord d’Angoulême et l’achèvement de la mise à deux fois deux
voies de la RN141 pour les parties non programmées à ce jour sont pour un horizon plus lointain encore. Et c’est toujours une départementale, qui dès que l’arrêté d’interdiction de la Haute
Vienne aura pu être levé, supportera le trafic international de fret qui traverse la Charente. Je me demande si le combat minimum, maintenant que pour les siècles des siècles la création
d’autoroutes en France est enfin terminée, ne doit pas être d’obtenir le reclassement en route nationale de la D951, comme avant.
Enfin peut-être qu’après avoir pleuré en constatant que nous étions le seul département de France à n’avoir pas un seul kilomètre d’autoroute tout en étant traversé
par un trafic relativement immense comparativement aux autres, nous pourrons nous enorgueillir d’être le département le plus conforme à la vision post moderne qui s’impose depuis le Grenelle. Dès
lors que les déplacements en tous genres seront assurés par d’autres moyens que la route et que les autres départements seront balafrés à jamais par ces horribles autoroutes nous serons enfin
enviés de tous pour avoir gardé cette harmonie si précieuse qu’elle fait la jalousie du reste du monde. Nous deviendrons enfin le seul département qui aura eu la chance de ne pas avoir eu à subir
une autoroute.
Trêve de plaisanteries, d’ici là et pour que les arbitrages nous soient favorables nous avons plutôt intérêt à ne pas relâcher la pression et pourquoi pas à
continuer à parler de transformation en autoroute concédée de la RN10 et d’un bout de la RN141 ainsi que la création d’un barreau autoroutier tout neuf entre Roumazières et la Croisière. Comme ça
depuis Paris on percevra mieux les enjeux nationaux et internationaux en Charente. Des fois que la logique intemporelle transcenderait encore un Grenelle de courte vue.