11 Novembre 2014
Les français ont eu cette terrible confirmation jeudi soir que leur pays est bien entre les mains d’un bricolo. Et sa boîte à outils n’est pas celle du mécano du Général. Il n’y a toujours pas de grand dessein qui se dessine à l’horizon. Pourtant, comme toute locomotive qui se respecte, il était sous pression, le Président, avant de se lancer dans son face à face aux français. A mi-quinquennat et au plus bas dans les sondages, François Hollande devait jouer son va-tout pour se remettre sur les rails. Eh bien non. Pas assez de coke en stock sans doute. Il est resté le même, en pire, brouillon, inaudible, poussif pour tout dire.
A défaut de leadership, « monsieur petites blagues » est bien sûr toujours tenté de faire de l’humour pour détendre l’atmosphère. Malheureusement, extrême tension oblige, c’est son inconscient qui a parlé plusieurs fois à l’insu de son plein gré pour nous faire rire. Et c’est une autre histoire, bien différente de l’officielle, que l’on a pu entendre au travers de quelques lapsus d’anthologie. On a ainsi eu droit à « ses vies privées », « que mes petits enfants ne me disent pas que même pour le réchauffement, je n’ai rien fait », « charges pondérales à porter », « j’ai mis les douchées doubles ». Et après nous avoir dit qu’il « allait nous raconter une histoire », il confirme qu’il a « passé trente ans de sa vie à fréquenter les bistrots ».
En revanche, c’était bien une conviction profonde, un cri du cœur, qui lui a fait répondre à Gilles Bouleau qui affirmait que les emplois aidés coûtent très cher : « non c’est l’Etat qui paie ».
Et là on ne rigole plus mes chers lecteurs. Parce que, n’en déplaise au Président de la République, le premier critère de pénibilité ressenti par les travailleurs et les entrepreneurs de France, c’est justement sa surcharge pondérale. Enfin, celle de l’Etat et de ses réglementations C’est l’empilement des collectivités publiques. Ce sont les énormes transferts de ressources via les organismes sociaux.
On ne retrouvera pas la croissance, la baisse du chômage, la réduction des déficits publics et de la dette avec 47% de la production nationale en prélèvements obligatoires et 57% en dépenses publiques. Entretenir le mythe de l’Etat protecteur qui agit et qui ne coûte rien après qu’il ait permis le prélèvement de la moitié du revenu des français est définitivement un obstacle au redressement.
François Hollande aurait plutôt du nous expliquer comment les emplois aidés renchérissent le travail non qualifié et comment ils pénalisent la compétitivité de la France. Le coût de revient d’un emploi aidé n’est qu’en apparence plus faible pour l’employeur, qu’il soit public ou privé. Parce qu’il est bien supérieur pour la collectivité tout entière qu’un emploi marchand ordinaire. Il faut en effet une administration dédiée à la mise en œuvre et au suivi de ces emplois aidés. Ce qui ne coûte pas rien. Si l’on ajoute à cela que le bas prix proposé à l’employeur pour un salarié aidé au salaire minimum vise à compenser une absence de qualification et une faible productivité, on comprend qu’au regard des services rendus, ces emplois coûtent à l’arrivée très cher. Ils exigent donc en contrepartie une productivité encore plus forte pour les emplois marchands non aidés afin d’assurer les transferts de moyens nécessaires au paiement de tout cela. On ne lutte pas contre le chômage avec les emplois aidés, c’est une évidence. Le Président qui vante cette politique pour infléchir la courbe du chômage n’évoque que le Deschien qui se mord la queue et le cercle vicieux qu’il décrit ce faisant.
La subvention, c’est une aide bien visible qui cache et doit faire oublier le lourd fardeau d’une sphère publique hypertrophiée, gourmande en prélèvements de toutes sortes.
Les français sont comme des mules qui ploient sous le port de la charge politico administrative qui ne cesse de grossir et qui avancent difficilement à la vue de carottes de plus en plus riquiqui. Mais pour combien de temps encore?
Alors que le Royaume Uni et les USA retrouvent le niveau de chômage d’avant 2008, la France voit le sien continuer d’augmenter. Les tabous sont trop forts dans notre pays. Il est devenu impossible d’admettre que l’on ne fixe pas impunément un salaire minimum en décalage avec la valorisation marchande du travail fourni. Nous payons durement aujourd’hui l’accélération artificielle de l’augmentation du coût horaire du travail consécutif à la réduction forcée du temps de travail sans perte de salaire au début des années 2000. L’Allemagne qui a fait le pari inverse au même moment à démontré les vertus de son réalisme en termes d’emplois et de parts de marché. Y compris pour ses productions agricoles. Tout dernièrement, on a vu avec quelle prudence la chancelière a accepté l’idée du salaire minimum, fixé à un niveau inférieur au nôtre et pas encore étendu à tous les secteurs d’activité. Les travailleurs saisonniers en agriculture en sont encore exclus. Pourtant, sur le long terme, l’Etat le plus social n’est pas celui que l’on croit. L’évolution comparée des parités de pouvoir d’achat donne l’avantage outre Rhin.
Notre démocratie fonctionne sur un raisonnement simple. L’électeur vote pour celui qui fera payer le plus d’impôts aux autres et l’aidera lui. Le candidat qui réussit le mieux à faire croire cela à une majorité d’électeurs est élu. C’est ainsi qu’au fil du temps l’Etat a pu se substituer au libre arbitre et à la responsabilité de chacun à peu près en tout. Mais voilà, au bout du compte, l’illusion de la protection pour tous s’évanouit et c’est la paralysie douloureuse qui gagne. Le drame, c’est qu’il semble impossible aux acteurs politiques d’imaginer d’autres mécanismes pour remettre en marche la France. En tout cas ils ne savent pas comment s’y prendre pour susciter l’adhésion des électeurs et mettre en œuvre le plan social qui libérerait nombre de travailleurs à la suite de la simplification de l’organisation publique. Eux-mêmes étant bien entendu les premiers touchés.
La probabilité est forte que le pays continue de s’enfoncer jusqu’à ce que les taux d’intérêts remontent et que l’état des comptes publics justifie l’intervention du FMI. Triste perspective, mais force est de constater que les résistances au changement sont trop fortes et les leaders pas assez charismatiques, pas assez convaincus et convaincants. Quand on parle de réforme aujourd’hui, c’est encore à l’attention des entreprises et du secteur marchand. Les professions réglementées sont dans le viseur. Mais bien entendu pas l’Etat, les collectivités locales et les organismes sociaux qui sont les secteurs les plus réglementés qui soient en même temps qu’ils sont à l’abri de la concurrence.
Je suis allé samedi dernier assister à l’inauguration de la très belle salle des fêtes de la commune de Vignolles. Une réussite exemplaire d’ergonomie, d’esthétique, de confort et de coût de revient maîtrisé. Avec ses conseillers, en bon paysan, le maire a veillé à chaque détail pour parvenir à un rapport qualité prix très enviable. L’architecte a du optimiser de partout. Les entreprises et les artisans ont été retenus après une mise en concurrence sévère. Pour assurer son autofinancement, la commune a vendu la maison qui abritait l’ancienne mairie. Pour le complément, l’Etat, la Région, le Département, la communauté de communes et la sénatrice sur ses fonds spéciaux ont été sollicités. Les discours des financeurs représentés ont été chaleureux. Une belle occasion de se retrouver tous ensemble pour communier sur l’implication de chacun pour le développement local.
Tous ont quand même relevé que l’argent public se faisait rare. Qu’il serait encore plus rare demain. Qu’il fallait donc y faire attention tout en continuant d’investir sur le territoire. Tout ça est plein de bon sens.
En revanche personne n’a évoqué les coûts masqués de l’opération. Les pertes en ligne de l’argent du contribuable. Chaque financeur se garde bien de rappeler qu’il est venu prendre une part de revenu du contribuable qui lui fait face pour pouvoir faire briller auprès de lui sa collectivité ou son mandat. A combien évaluer alors le coût de revient supplémentaire de cette salle des fêtes ? Celui lié aux financeurs multiples qui pour intervenir définissent des politiques, élaborent des procédures, mobilisent des équipes, demandent des dossiers, instruisent ces mêmes dossiers et inaugurent. Il y a le prix de revient qui se voit. Et il est très maîtrisé. Et il y a celui qui ne se voit pas. Il n’est pas facile à évaluer, mais il renchérit très nettement le coût de revient pour le contribuable. De cela personne ne parle tant cela semble déplacé de fouiller l’envers du décor avant de partager le vin d’honneur. C’est pourtant là qu’il y a du grain à moudre pour les contribuables qui aimeraient disposer un peu plus pour eux-mêmes du produit de leur sueur.
Pour cela, il faut plus de simplicité et d’efficacité dans l’organisation des pouvoirs locaux. Tout comme il faut éviter que tout le monde prenne dans la même poche pour intervenir sur les mêmes choses. Tout l’inverse du politiquement correct d’aujourd’hui qui vante la possibilité de réussir des projets quand tout le monde solidairement intervient.
Ce n’est pas encore cette fois que j’entendrai que l’on va se mettre au travail pour améliorer sensiblement l’efficacité de notre organisation collective en diminuant le nombre de collecteurs d’impôts et de décideurs.
Les financements croisés ont aussi cette vertu de tisser une interdépendance entre les élus des différents étages qui assure une grande solidité à l’usine à gaz. On a ainsi pu voir un nouveau premier ministre Manuel Valls annoncer en fanfare, lors de son intronisation, la fin des départements et vanter quelques mois plus tard l’absolue nécessité du département. Toutes les tentatives récentes de réforme du système ont échoué. Et c’est encore la fuite en avant qui l’emporte avec de nouveaux périmètres pour les Régions sans avoir au préalable défini l’organisation d’ensemble à atteindre.
La commémoration des 25 ans de la chute du mur de Berlin nous rappelle que quand l’asphyxie des peuples devient trop grande les chaines se brisent. Toute proportion gardée, nous ne ferons pas l’économie d’aller trop loin dans la déflation avant que des décisions structurelles énergiques puissent être prises. Nous n’en sommes semble t-il pas encore tout à fait là. Ayons donc encore un peu de patience mes chers lecteurs.
Je fais un aller retour à Pékin cette fin de semaine pour la pomme française dont nos amis chinois pourraient semble t’il être plus friands. J’aurai peut-être la chance de profiter d’un air un peu plus respirable qu’à l’accoutumée grâce au forum Asie Pacifique qui vient de se terminer et aux mesures anti pollution qui ont été prises pour l’occasion. Mais j’ai surtout envie de ressentir un peu d’effervescence et de croissance. C’est très bon pour le moral.
Très bel article que je viens de lire dans le Figaro de demain. Tellement mieux dit que par moi.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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