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L'Etat gère à tous les étages.

Titre choc en première page de la Charente Libre ce matin : « communautés de communes : il faut voir plus grand ». Mais c’est en page trois que le séisme est le plus fort : « dix-neuf communautés de communes en trop » (en Charente). Il faudrait donc redécouper la Charente en 6 communautés de communes ou d’agglomérations en remplacement des 25 d’aujourd’hui. Et qui c’est qui le dit? Monsieur le préfet, le représentant de l’Etat dans le département. Nous sommes le 21 avril. Pour moi c’est la date anniversaire du gel terrible de 1991. En tout cas ce n’est pas le 1er  avril et l’annonce se veut sans doute sérieuse. Pourtant dite comme ça, elle est grotesque et dangereuse.  

 

Les communautés ont été rendues possibles par la loi en 1992. Cela fait maintenant dix huit ans. Au fil des ans les communes se sont donc regroupées selon les volontés locales et la bénédiction de l’Etat pour aboutir à la carte de l’intercommunalité que nous connaissons aujourd’hui. Il y a de très grandes communautés et d’autres très petites. Et puis il y a encore en cet an de grâce 2008 des communes indépendantes de tout regroupement. Tout au long de cette histoire déjà longue de la coopération intercommunale le législateur sous différents gouvernements a cru bon d’instituer une forme complémentaire de coopération entre les communes et les communautés sous le nom de pays. Le génie de cette architecture spécifiquement française devait être de perpétuer la sacralisation de la commune tout en faisant apparaître des entités plus vastes et plus cohérentes pour permettre les économies d’échelle nécessaires au développement local moderne. La créativité des élus a été au rendez vous et la coopération intercommunale, malgré les lourdeurs et les bizarreries, s’est fortement développée et a obtenu de bons résultats.

 

L’Etat a accompagné, observé, laissé faire jusqu’à aujourd’hui. Les trop petites communautés, les périmètres incohérents, la superposition des compétences ont obtenu sa bénédiction. Les pays de leur côté ont facilité jusqu’à aujourd’hui le séparatisme des communes réticentes à entrer en communauté en ce qu’elles se trouvent proportionnellement confortées et privilégiées pour leur financement propre. Le phénomène a été le même pour les petites communautés par rapport aux grandes. L’Etat qui aujourd’hui sort de sa torpeur coupable a cautionné lui-même par sa contractualisation via les pays, la prime au moindre effort de regroupement. Si l’Etat avait fait son boulot la situation pourrait être bien meilleure que ce qu’elle est aujourd’hui en termes de communes isolées, de dimension de communautés et de contractualisation directe entre les maîtres d’ouvrage et les financeurs sans passer par une structure pays. Mais c’était encore à l’époque où le coût carbone ne préoccupait personne pas plus que le prélèvement anormalement trop important sur le pouvoir d’achat des travailleurs pour financer les lourdeurs du mille feuilles français.

 

Le problème maintenant c’est qu’il est presque trop tard pour user des carottes habituelles, comme le fléchage des aides, pour améliorer rapidement la situation. Que les communes isolées puissent être suffisamment incitées à rejoindre une communauté et qu’elles finissent par le décider, c’est possible. Que des petites communautés soient également poussées à se regrouper et qu’elles y arrivent, c’est encore possible. Bien que cela soit une entreprise titanesque pour la plupart des élus en responsabilité aujourd’hui. Que les pays deviennent un lieu de pure coopération efficace et économe entre des communautés motivées est toujours possible. A condition cependant de ne leur apporter aucune aide extérieure et de ne contractualiser qu’avec les communautés maître d’ouvrage et porteuses d’un projet. En revanche proposer de réduire à cinq le nombre des communautés en Charente est totalement irréaliste de mon point de vue avec les règles du jeu en vigueur à ce jour.

 

Un maire nouvellement élu et dont la commune appartient à une communauté voisine des 3B est venu me voir la semaine dernière pour me demander des explications sur le mode de fonctionnement des communautés.  Il n’en revenait toujours pas d’avoir reçu une convocation pour l’élection de l’exécutif de la communauté sans aucune explication sur les enjeux et si peu de temps après avoir été élu maire. Pas de rapport d’activité, pas de campagne sur un projet me disait-il, ajoutant que même pour une petite association on procède plus démocratiquement.

 

Avant de mettre inutilement le feu dans les campagnes en indiquant qu’il y a 19 communautés en trop en Charente et que la bonne échelle pour une communauté c’est le pays, il y a urgence à analyser beaucoup plus en profondeur les problèmes qui se posent. Institutionnellement  nous sommes déjà dans l’impasse. Plus de la moitié des dépenses budgétaires totales (communes plus communautés) sont engagées sans que les électeurs aient eu à se prononcer à aucun moment sur un programme et sur les élus qui le mettront en œuvre. Ces mêmes élus sont eux-mêmes choisis par leurs pairs sans qu’ils aient le temps de faire campagne et sans savoir ce qu’ils vont faire après être élus puisqu’ils ne savent pas le plus souvent comment sera composé l’exécutif dont ils deviennent membres brutalement.

 

Dans les conditions institutionnelles d’aujourd’hui, le simple fait d’évoquer par exemple une communauté de communes à l’échelle du pays Sud Charente est une aberration totale. Passer de 37 communes à 91 en maintenant les conditions politiques de fonctionnement que je viens d’évoquer est inimaginable et une monstruosité. Même avec une forte incitation c'est au dessus des possibilités techniques et politiques présentes sur le terrain.

Ce qui me froisse le plus avec cette annonce c'est qu'elle intervienne au moment ou les exécutifs des pays vont être élus. On ne pouvait pas faire pire pour aggraver la confusion qui existe déjà dans les esprits entre le pouvoir des uns et des autres et la signification juridique des termes. Nul doute que dans la tête de certains, la présidence du pays aura encore plus qu'avant un rang supérieur à celui de président de communauté ou à celui de maire. La machine à rétropédaler vient ainsi d'être allègrement boostée. Pauvres contribuables. 

 

Aujourd’hui avant de prendre une initiative au regard des communes et des communautés, il y a lieu de faire plancher le législateur sur une organisation institutionnelle des collectivités locales cohérente et simplifiée qui puisse fonctionner pendant une bonne cinquantaine d’années ou plus. C’est quand ce travail aura été fait et que le remodelage sera clairement défini que la mise en œuvre devra être très vivement soutenue par l’Etat. Pour l’instant il y a des actions bien moins spectaculaires à faire et que nous attendons depuis longtemps qui seront bien plus utiles que l’annonce d’un grand soir du périmètre d'une intercommunalité  dont on n’a pas encore défini les bonnes règles.

   

      

         

 

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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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M
Tu as raison DANIEL de dire qu'il est urgent de redéfinir une organisation institutionnelle des collectivités. On ne peut pas continuer à empiler indefiniment des structures, sans en dissoudre d'autres ( 72000 collectivités en Europe, dont 36000 en France). J'avais cru comprendre a l'origine que les CDC devaient se substituer aux communes ? Je pense que la CDC est un espace pertinent pour mener des projets relativements ambitieux, a condition toute fois qu'elle soit d'une taille suffisante: 3à4 cantons maximum. Une CDC à la taille d'un Pays me parrait à moi aussi aberrant, ou alors ,il faut redonner des compétences aux communes ( retour en arriere ) afin que les Citoyens ne soient pas trop éloignés des décisions. Quand au Pays, espace de coopération éfficace entre les CDC, c'est ce qu'il aurait toujours du etre, mais je rajoute qu'il devrait aussi inciter a plus d'interaction, plus de solidarité entre les CDC, pour un aménagement cohérent du territoire
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A
Avant d'exprimer un point de vue sur le découpage des circonscriptions de quelque niveau qu'il s'agisse, tout responsable politique ou administratif devrait lire et relire "La France redécoupée - Enquête sur la quadrature de l'hexagone", de Jean-Marc Benoit, Philippe Benoit et Daniel Pucci - Belin, 1998.
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D
Moi je suis pour qu'on élimine la commune du Tâtre...Putain, ça fait un bail qu'y me font chier! Et pis, qu'esse y'a à côté?Reignac? Y'a que des gros propriétaires!Montchaude? C'est pire... Et c'est de la p'tite champagne en plus!Lamérac? Des chie-petit...Touvérac?  A part l'argile...Baignes?  Beaucoup de ruines...Condéon?  Y font de l'huile...Foutez-moi tout ça au galop...A bas toutes les frontières! 
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J
Avant de remettre en cause le nombre d'interco, on pourrait utilement supprimer 30 000 communes...C'est bien l'une des rares propositions Attali avec laquelle je suis parfaitement d'accord : il y a beaucoup trop d'échelons décisionnels en France, ce qui se traduit par une hausse importante des coûts, accompagnée de dysfonctionnement majeurs puisqu'il faut réunir un accord trop large pour mener des projets d'envergure.
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L
MAGNIFIQUE, je vois que vous ne perdez pas "l'esprit", des actions oui comme un travail de fond sur la répartition des compétences entre les collectivités par exemple, sur l'organisation du couple Région/Département....tant de boulot à faire et c'est vrai que cet article du Préfet est un pure scandale pour ceux qui ont vécu la mise en place de l'interco (avec l'absence voulue ou diplomatique de l'Etat) et tous les débats qui ont suivi (avec un Etat tjs donneur de leçon mais jamais vraiment impliqué), suivez tout ça sur le site "intercommunalités" le Président de l'ADCF vous éclairera aussi sur ses nombreux combats...., vDS ous devriez envoyé votre article à M. Le Préfet directement, il pourrait au moins vous solliciter pour le conseiller avant de dire de telles inepties!
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