13 Mars 2015
« La Corrèze et le Zambèze ». Quand je pense à la Corrèze, j’ai bien plus envie de lire quelques pages de Denis Tillinac que l’appel déprimant des médecins du Limousin contre les pesticides. Faut dire qu’avec 0.25 % de la surface en verger dans ce département pour 8 % en tout de terres labourables, des prairies, des bois et de l’habitat pour le reste, ce ne sont pas les pesticides qui me préoccuperaient spontanément à leur place.
Pas surprenant au regard du peu d’espace cultivé sur ce territoire que je ressente plus fort qu’ailleurs la nature et le grand bol d’air frais qu’on y respire quand j’ai la chance de me balader entre Allassac, Pompadour et Lubersac. Un endroit que j’appelle le triangle doré à l’automne, tant je suis ébahi par la beauté des vergers de goldens en septembre.
Mais malgré cet excès de nature au cœur du Limousin, je sais que l’on y souffre aussi de maux éternels comme aurait dit Jacques Chardonne. Cette part de bêtise insondable que l’on rencontre partout, la seule maladie incurable face à laquelle on soit finalement totalement impuissant. L’évangile selon Saint Marc nous dit : « il n’est hors de l’homme rien qui entrant en lui, puisse le souiller ; mais ce qui sort de l’homme, c’est ce qui le souille. » C’est si vrai.
Je suis allé un vendredi soir, il y a déjà quelques mois, à Saint Yrieix La Perche échanger avec quelques uns des médecins qui ont lancé la fameuse pétition. Ils ont constaté une augmentation de certaines pathologies. Ils se sont alors demandé ce qui avait changé dans le paysage qui puisse expliquer cela. Au milieu d’une nature bucolique à perte de vue, ils ont repéré les vergers. Vergers d’autant plus remarquables qu’ils sont presque tous recouverts de filets blancs. Et de temps en temps on y voit de larges brouillards de pulvérisation qui se déplacent de rang en rang. Et ce sont des produits phytosanitaires que l’on y épand. Ils se sont alors procuré la liste des produits homologués en arboriculture. Et un à un ils ont regardé les effets que ces matières actives peuvent avoir sur l’homme si l’on en met dans la soupe assez régulièrement. A partir de là, même à des doses infinitésimales, dans l’air ou dans l’eau, ils en ont déduit qu’ils étaient la cause de la dégradation de la santé dans leur beau pays.
Ils m’ont fait penser à ce type en train de chercher ses clés sous un lampadaire. Un autre vient à son aide et cherche avec lui. Au bout d’un moment le deuxième dit au premier : « t’es sûr que tu les as perdu là tes clés? ». « Non » lui répond l’autre « mais là il y a de la lumière ».
Je n’ai pas pu m’empêcher de rappeler l’information qui était parue dans le journal Sud Ouest Dimanche du week-end précédent. On y apprenait que la première cause de mortalité chez les personnes âgées était la surconsommation de médicaments. Je leur ai dit que moi aussi j’étais inquiet à ce sujet. Parce que les pharmacies sont pleines de produits chimiques et eux les médecins ils en prescrivent l’ingestion directe à leurs patients impatients d’être guéris. Une façon un peu parabole du pauvre pour dire que tous les produits chimiques sont évidemment dangereux à des degrés divers et que notre challenge permanent c’est d’arbitrer au mieux le rapport entre les bénéfices attendus et les risques encourus. Et puis face à leur diagnostic au stéthoscope mouillé, il me semble utile aussi de regarder attentivement les études épidémiologiques qui viennent d’être publiées sur de très vastes échantillons de population. Elles ne parviennent pas du tout aux mêmes conclusions que ces chers médecins à la vision très fermée. Je vous communique les pièces du dossier en défense très vite mes chers lecteurs. Et puis j’avais aussi été frappé par le peu d’envie qu’ils me donnaient d’aller me faire soigner par eux. Je les sentais en manque de vitamines et les aurais bien auscultés pour savoir d’où leur venait cette étrange absence de rayonnement.
Pour "rompre l’omerta" et étayer sa démonstration de l’empoisonnement qui s’aggrave dans le "triangle de la mort" par la faute de la pomiculture industrielle, Valérie est donc allée voir le docteur Anne Marie Soulié à Lubersac. Un autre témoin à charge forcément digne de foi puisqu’elle est médecin « dans la région des pommes » depuis toujours.
A entendre cette toubib reconvertie à l’hypnose et à l’homéopathie on se demande quand même si c’est bien le serment d’Hippocrate qu’elle a prêté ou pas plutôt celui d’Hypocrite. En tout cas elle a bien cherché à nous endormir….sans y réussir. Elle nous dit avoir constaté une augmentation de maladies neurologiques et de cancers de la prostate. Et cite en exemple une agricultrice « forte femme et femme forte » qui à la fin des années 1990, à 60 ans, est devenue un légume en six mois. Et c’est tout. Faut qu’on se contente de ça comme preuve évidente de l’effet sur la population des pesticides épandus au verger. Je me demande si elle ne yoyote pas un peu de la cafetière la toubib de Lubersac pour illustrer la corrélation entre cancers et pesticides avec ce cas vieux de 15 ans dont elle nous dit juste que la malade était paysanne et qu’elle respirait l’air du pays.
Et le documenteur de première, mais sur la 2, de continuer en disant que le témoignage d’Anne Marie est confirmé par une étude Inserm qui évoque la corrélation entre cancers de la population et pesticides. Nous verrons bientôt que l’on peut avoir une toute autre lecture des études.
Nous avons surtout la preuve avec Anne Marie que l’on peut être médecin et avoir un discours de charlatan. La « région des pommes » n’est décidemment pas si gâtée que ça, malgré le bon air que l’on y respire. Non seulement il lui faut y supporter des activistes verts pâles aux intentions mal définies, mais il faut aussi y subir cette rumeur qui enfle au fur et à mesure de l’écho médiatique que l’on donne aux lanceurs d’alerte comme Anne Marie dont le diagnostic est pourtant si peu sûr.
Les rues de Lubersac et de la campagne environnante bruissent des autres causes d’intoxications douces et dures aux conséquences neurologiques certaines qui auraient plus utilement du préoccuper Anne Marie, si motivée pour apporter assistance à personne en danger. On détourne si facilement la tête des vrais problèmes de notre société.
A propos d’air que l’on respire, France Info a diffusé hier en boucle un autre résultat d’analyses de cheveux réalisé par Générations Futures sur les cheveux de jeunes femmes qui vivent en milieu urbain. Elles sont semble t-il aussi mal loties que Christian malgré sa proximité avec le verger. Et François Veillerette, dont nous parlerons lors d’un autre épisode du feuilleton décrypteur, d’annoncer la nécessité de poursuivre le durcissement des réglementations et des interdictions. Peut-être.
Des analyses de l’air sont faites un peu partout. En ville surtout, mais aussi à la campagne. Comme par exemple près de la station d’expérimentation arboricole de Saint Yrieix La Perche. Les résultats montrent (je fais appel à l’un d’entre vous lecteur pour m’aider à retrouver cette étude) que l’on trouve effectivement des traces de matières actives dans l’air du Limousin. Mais que l’on trouve bien plus d’autres éléments de pollution de l’air en ville. Comparativement, il n’y a pas photo à l’avantage de l’air du Limousin. Et si on devait entériner l’expression triangle de la mort pour ce petit coin de paradis, il faudrait s’obliger à parler d’hexagone de la mort pour la France entière et pour les villes d’enfer de la mort subite. J’essaie de rester nuancé pour ne pas affoler la population, mais enfin à l’aune de Générations Futures et des médecins du Limousin, voilà la vision objective des choses.
Ne nous faisons pas trop de cheveux quand même mes chers lecteurs et comme le disait si bien Cioran : « souriez, demain sera pire ». Y compris pour ce que nous réserve la suite de ce décryptage….
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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