3 Décembre 2014
L’assemblée générale de l’Association Nationale Pommes Poires approche. Je repousse comme d’habitude au tout dernier moment la rédaction de mon rapport moral. J’ai sans doute besoin que mon stress monte encore un peu pour exciter mon inspiration. Je viens quand même de rédiger un petit édito au rapport d’activité qui doit être sous presse cette semaine. Un avant goût du fil conducteur de ce futur rapport. Cette lecture ne peut bien entendu intéresser qu’une infime partie d’entre vous mes chers lecteurs. Mais je n’aime pas laisser trop de temps passer sans publier….
Le temps froid et pluvieux du printemps 2012 avait fortement amputé la récolte de pommes et de poires dans plusieurs régions en France. En 2013, une belle floraison suivie d’une forte nouaison a conduit à une récolte moyennement élevée, de petit calibre, mais tardive et de piètre qualité. La récolte 2014, en revanche, est très belle, normalement précoce, mais encore un brin alternante. Après 2012, c’est la deuxième plus faible récolte depuis 1991, année du gel d’un 21 avril de triste mémoire.
A l’opposé de la France, l’Europe des 28 affiche cette année une récolte très élevée avec près de 12 millions de tonnes de pommes. Dans ce contexte, l’annonce début aout d’un embargo par la Russie sur les productions fruitières et légumières européennes a fait l’effet d’un véritable krach sur des marchés déjà plombés par des stocks importants et difficiles à écouler.
Depuis trois ans, le climat et la géopolitique ont donc largement amplifié les oscillations erratiques de production et de cours. L’arboriculteur sait bien sûr qu’elles sont inévitables, mais il essaie de s’en affranchir le plus possible.
Au-delà de la lutte contre le gel, la grêle, les pollinisations difficiles et l’ensemble des maladies et ravageurs, la maîtrise de l’alternance par un éclaircissage précoce efficace reste un vrai challenge pour nombre d’entre nous. La recherche et l’expérimentation autour des questions de production sont donc toujours une priorité et un investissement collectif incontournable pour réussir.
Mais, ces situations extrêmes en production et sur les marchés mettent encore plus en évidence la pertinence des stratégies de différenciation qualitatives qui permettent de ne pas être emportés par la baisse des cours. Ou tout au moins de mieux résister.
La récolte 2012 nous a rappelé que quand exceptionnellement l’offre générique est inférieure à la demande, chacun trouve plus aisément un prix rémunérateur. Ce n’est malheureusement pas la situation la plus fréquente.
La norme, c’est plutôt l’abondance. Et cette année même un peu plus pour la pomme à l’échelle de l’Europe en raison de la perte du marché russe. Pour un même fruit, la réussite passe alors par une différentiation reconnue et prisée, par la création d’une certaine rareté au regard d’une demande potentielle. Toute entreprise en économie de marché est soumise à cette compétition pour l’innovation et la segmentation. En tout cas, la compétitivité par le seul prix de revient peut difficilement être atteinte au regard des contraintes réglementaires et normatives de la France.
La variété, le terroir, l’appellation d’origine, la licence exclusive d’une variété, la marque par ce qu’elle exprime comme promesse qualitative des fruits et des services, le regroupement de l’offre qui doit permettre de limiter les concurrences sur des produits équivalents, tous ces éléments permettent d’accéder à la différentiation et si possible à de la rareté convoitée qui autorisent une valorisation nécessaire et profitable.
Les exemples sont nombreux en France comme ailleurs pour illustrer la voie à suivre. A des degrés divers, tous les arboriculteurs en activité aujourd’hui et qui seront encore là demain sont engagés dans cette voie.
Depuis près de 20 ans maintenant, les producteurs de l’organisation économique ont choisi de s’engager dans une charte de production, de respecter un cahier des charges de production fruitière intégrée et d’être contrôlés par un organisme tiers. Lors de la création de l’Association Nationale Pommes Poires à laquelle chaque producteur ou organisation de producteurs adhère librement, les administrateurs ont choisi de rendre visible cette origine contrôlée des fruits issus des vergers des membres de l’association. C’est ainsi que la Charte Qualité des Pomiculteurs de France est devenu le nouveau nom de notre itinéraire de production contrôlé. A destination de la distribution et des consommateurs, le logo Vergers Ecoresponsables identifie cette appartenance.
Au fur et à mesure de nos efforts de communication sur cette démarche profondément vertueuse, plusieurs enseignes ont choisi de référencer principalement des fournisseurs qui sont engagés dans la Charte. Au moment où la menace d’offres à très bas prix en provenance de pays voisins producteurs se faisait plus pressante, il nous a semblé indispensable de pousser notre avantage et de lancer une campagne de communication à la télévision pour conforter une préférence positive pour les pommes issues de nos vergers auprès des consommateurs. La confiance est devenue la condition principale à l’augmentation retrouvée de la consommation de nos pommes. Vergers Ecoresponsable répond à cette exigence. Il protège aussi des offres génériques indifférenciées qui n’ont que le prix pour séduire.
Depuis encore un peu plus longtemps la pomme française développe ses ventes sur les marchés du Moyen Orient et de l’Asie en ajoutant aux marques d’entreprise la signature collective Le Crunch. Cette année nous avons aussi conforté les règles d’utilisation de cette signature pour améliorer encore la réputation de la pomme française sur tous les marchés lointains en croissance.
Vergers Ecoresponsables et Le Crunch sont les deux identités pour les pommes de nos vergers qui ont vocation à réunir les producteurs et leurs organisations pour agir ensemble pour la performance de nos pommes sur les marchés du monde. Ces deux logos et signatures sont les biens les plus précieux construits au fil du temps par nous tous. Nous devons continuer à investir en communication sur ces identifiants pour la réputation, et la réussite de la pomme en France, tout comme de chacune de nos entreprises.
Ce rapport d’activité démontre s’il en était besoin tout le travail et l’engagement des présidents de commission, des membres du bureau, du Conseil d’Administration et de nos collaborateurs sur toutes les missions que nous nous sommes données.
A l’heure où les équilibres économiques de nos vergers sont fortement menacés, nous avons plus que jamais besoin de conforter notre rassemblement au sein de l’ANPP pour travailler sur les leviers collectifs de notre développement.
Vos idées et vos commentaires sont toujours les bienvenus pour que nous puissions améliorer notre organisation et nos actions.
Bonne lecture à tous.
Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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