8 Mai 2014
Au cas bien improbable mes chers lecteurs où vous l’auriez manquée ce matin, je vous mets un lien vers l’émission de Laurent Gerra sur RTL. Pour ce qui me concerne, je l’écoute d’habitude en podcast le lendemain en me rasant, mais aujourd’hui, mon jeune associé m’a alerté séance tenante par SMS depuis notre verger de La Vernide en Dordogne. Toujours sur le qui-vive, en bon descendant qu’il est des croquantes et des croquants qui jadis s’étaient réfugiés dans les bois alentours.
Parce que ce matin, par les voix de Chevallier, Laspalès, Johnny et Jacques Chirac, Laurent Gerra et ses plumes à goudron ont choisi de nous faire rire avec la pomme et l’interdiction sans nuance du travail en hauteur.
Une vraie consécration pour ce symbole de l’absurdité des réglementations tatillonnes. Depuis des semaines, les arboriculteurs alertent élus et pouvoirs publics sur l’absolue nécessité de revenir sur l’interdiction qui date du 1er septembre 2004 d’utiliser un marchepied, un escabeau ou une échelle pour cueillir des pommes, des poires et bien d’autres fruits encore.
Je ne compte plus les innombrables entretiens que nous avons eus les uns et les autres avec les pouvoirs publics et les législateurs afin qu’ils se saisissent de ce dossier et de quelques autres qui interdisent de fait l’arboriculture en France.
Nous avons fait un tel barouf que le premier exemple de réglementation imbécile qui vient à l’esprit aujourd’hui d’un député ou d’un sénateur, c’est celui de l’interdiction de la cueillette des fruits à l’escabeau. Depuis quelques jours cet exemple illustre d’ailleurs nombre d’articles parus dans la presse sur le thème des normes et des réglementations impossibles à respecter.
Mais le combat est encore loin d’être gagné. Bien que chacun de nos interlocuteurs soit convaincu du bien fondé de notre revendication, la réponse du ministre à la question posée par un député sur ce sujet a confirmé l’interdiction stricte. (Voir la réponse)
Plusieurs pages ne suffiraient pas pour cet article si je devais vous détailler comment nous en sommes arrivés là et surtout comment il est possible d’en sortir.
Je vais donc me contenter de dire les choses simplement. Depuis le 1er septembre 2004, comme pour tout travail en hauteur, il est interdit de faire cueillir des fruits à un salarié à l’aide d’un marchepied, d’un traineau, d’un escabeau ou d’une échelle. Les inspecteurs du travail peuvent donc arrêter à tout moment un chantier de cueillette si cette réglementation n’est pas respectée. Et bien entendu en cas d’accident, l’employeur peut se voir condamner pour faute inexcusable. Comme vous vous en doutez peut-être, nous sommes bien évidemment le seul pays au monde dans cette situation.
Plus de la moitié du verger français se cueille encore à l’aide d’un petit escabeau ou d'une échelle. L’autre partie utilise des passerelles automotrices sur lesquelles se trouvent les cueilleurs. Mais nombre de vergers ne sont pas conçus pour ces machines et le risque d’accident n’est pas nul non plus avec ces engins. Statistiquement, ils ne sont pas significativement moins élevés qu’avec des escabeaux. Le coût économique des transformations nécessaires au verger pour n’utiliser que des passerelles est pour la plupart des exploitations concernées, faut-il le préciser, quasi insurmontable à ce jour.
Malgré tout cela, revenir sur la réglementation semble impossible. Il est pourtant apparu qu’il suffirait de donner une définition au travail en hauteur. Dire par exemple que cela commence quand les pieds du cueilleur se trouvent à plus de 2 mètres du sol. Mais à lire dans les yeux de nos interlocuteurs, il semble que déplacer des montagnes soit un jeu d’enfant comparativement à ce que nous demandons.
Nous avons là une parfaite illustration de la dérive normative et réglementaire qui plombe la production et l’emploi en France. On comprend mieux aussi pourquoi les réformes structurelles nécessaires à notre compétitivité sont toujours remises à plus tard. Un simple article du code du travail à modifier ou à compléter d’une définition précise du travail en hauteur est hors d’atteinte.
Et je ne vous ai même pas parlé de la fiche individuelle de pénibilité qu’il faudra tenir à jour à partir du 1er janvier 2015. Ni des autres normes et réglemetations qui font de tout arboriculteur un hors la loi contraint et forcé.
Zéro risque équivaudra bientôt à zéro emploi. Laurent Gerra l'exprime avec talent, nous sommes devenus collectivement bêtes à manger du foin dans notre pays. Ah j'oubliais, l'Europe n'y est (presque) pour rien.
Mais pas question de renoncer à changer les choses mes chers lecteurs. Croquons la pomme et battons nous.
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Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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