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Même en Nouvelle Aquitaine, il pleut toujours où c’est mouillé. Ou pourquoi il serait SAGE de retenir l’eau en excès pour en disposer quand il en manque.

Je vais décaniller tôt de ma campagne verdoyante demain matin pour rejoindre l’hémicycle en béton de l’Hôtel de Région. J’éviterai ainsi de cramer de l’énergie avec ma clim ou de me morfondre et de fondre avec l’asphalte dans les bouchons des goulots d’étranglement de l’appellation Bordeaux. Le millésime 2018 a décidemment bien du mal à passer, à la périphérie comme au centre. Il illustre étrangement les vœux de transition énergétique et écologique dont, venus de très loin et rarement à pied ou à cheval, on se gargarise longuement lors de réunions girondines. Tout cela, peut-être, pour s’éviter comme moi, avec une bonne excuse, les durs travaux des champs.

Pendant qu’à l’aube, dès six heures, quelques dizaines de vaillants saisonniers s’évertueront à diminuer à la main le nombre de pommes sur les arbres trop bien pollinisés par des osmies en pagaille, je m’éclipserai pour deux jours de débats à l’ombre et au frais.

51 délibérations et quelques motions sont au programme. M’est avis qu’il faudra être patient demain soir avant de profiter des huitres du bassin ou de Marennes Oléron.

Tout m’intéresse bien sûr. Mais c’est la délibération 27 que j’ai le plus longuement lue. Elle concerne la stratégie Régionale de l’eau en Nouvelle Aquitaine. Pour votre parfaite information, dès que nous l’aurons votée, je vous l’ajouterai en lien à cet article.

Pour ne pas me dessécher par cette seule lecture aride et technocratique à souhait, j’ai aussi étanché ma soif d’apprendre avec Le partage de l’eau par Frédéric Lasserre et Alexandre Brun (Odile Jacob 21.90 euros), l’excellent ouvrage de Jean Paul Renoux et Alix d’Armaillé qui s’intitule Comprendre l’irrigation en agriculture (Editions France Agricole) et au moins le chapitre sur l’agriculture du rapport coordonné par Hervé Le Treut, Prévoir pour agir, la Région Aquitaine anticipe le changement climatique.

C’est mon voisin de travée, Eddie Puyjalon, le président de Chasse Pêche Nature et Traditions qui s’exprimera pendant quatre minutes sur cette délibération pour notre groupe LR CPNT.

Grand sauvaginier devant l’Eternel, à la tonne comme à la ville, défenseur de la nature, Eddie saura dire avec pragmatisme ses exigences pour la qualité de l’eau. Il évoquera les pesticides agricoles bien sûr, mais aussi toute la chimie qui passe au travers des assainissements et des stations d’épuration  pour se retrouver ensuite dans l’eau de ses poissons.

Si l’on considère que les 15 millions d’hectares cultivés sur les 55 que compte la France, soit un peu plus du quart de la superficie, reçoit annuellement 60000 tonnes de pesticides en tout genre, cela correspond à 0,4 grammes au mètre carré de cuivre, de soufre comme de glyphosate ou d’azadirachtine. Si les conditions d’utilisation sont respectées, le sol et ses bactéries sont censés en faire leur affaire pour que l’on ne les retrouve pas dans les nappes ou les cours d’eau.

Ce que l’on sait moins c’est que l’on ingère annuellement à peu près la même quantité de médicaments en tout genre, soit un bon kilo par personne. Et que tout cela se retrouve bien plus directement encore dans les nappes et les cours d’eau.

Les perturbateurs endocriniens qu’Eddie a dans sa ligne de mire et au premier rang desquels on trouve la pilule contraceptive se détectent évidemment dans l’eau si l’on en croit le sexe aléatoire de certains poissons.

Il insistera sans doute un peu moins sur la gigantesque impasse de ce rapport. Je veux parler de la stratégie offensive qu’il faudrait mettre en œuvre pour retenir l’eau quand elle est en excès afin de pouvoir en disposer quand elle manque cruellement.

Quelles sont les perspectives qui s’offrent à nous selon ce rapport ? La température va monter de 1 à 4 degré d’ici la fin du siècle. L’évapotranspiration va donc s’affoler. Le niveau des nappes va baisser ainsi que le débit des cours d’eau. L’eau qui n’est déjà pas en bon état qualitatif menace de se dégrader encore. La pluviométrie annuelle doit aussi diminuer, bien que sur cette question les prévisionnistes disent n’être sûrs de rien.

Face à cette situation, on parle d’économiser l’eau, de moins la polluer et on demande aux activités économiques, dont l’agriculture, de modifier les assolements pour renoncer autant que faire se peut à l’irrigation. Maraichage et arboriculture semblent quand même reconnus du bout des lèvres pour n’avoir d’existence qu’avec des apports d’eau.

Un tout petit chapitre en page 31 évoque les réserves de substitution avec une prudence de sioux et des pudeurs de gazelle. Elles ne pourront être soutenues et accompagnées que si elles font l’objet d’un très large consensus. C’est-à-dire même pas en rêve. Et quand il s’agit d’un stockage qui n’est pas de substitution, alors là ça ne peut être qu’en Limousin ou dans l’ancienne Aquitaine, et pour des retenues toutes petites.

Au début de la délibération, on nous rappelle le Code de l’environnement et la hiérarchisation des usages de l’eau. D’abord les exigences de la santé, de la salubrité publique et de l’alimentation en eau potable. Ensuite la préservation de la vie aquatique et le libre écoulement des eaux. Et pour finir la satisfaction des usages économiques et de loisirs.

L’agriculture est bien sûr classée dans les usages économiques et donc en dernier. Il faudra sans doute attendre encore quelques années pour que de diminution de production en difficultés à importer on réalise que l’agriculture, c’est-à-dire l’alimentation est évidemment contenue dans les exigences prioritaires de santé et de salubrité publique.

Pour l’instant on ressent fortement que la connexion intellectuelle a bien du mal à se faire. On nous bassine à longueur de journée pour rappeler que l’irrigation c’est de l’agriculture intensive qui de plus a recours aux intrants chimiques, engrais ou produits phytosanitaires.

Ce qui signifie que l’agriculteur est responsable en partie du réchauffement climatique et qu’il doit donc payer le prix de ses dégâts sur la planète. De plus, s’il était bon paysan comme nous l’a fait savoir notre collègue Benoît Biteau dans son livre, Paysan résistant, il n’aurait pas besoin d’irriguer pour cultiver et obtenir de belles récoltes. Avec l’agroforesterie, c’est-à-dire des haies de hautes tiges implantées en parallèle et proches les unes des autres, la fissuration du sol par les racines permet aux plantes d’explorer l’eau du sol en profondeur. Le tour est joué, la démonstration de l’inutilité de l’irrigation est faite.  

Il faudrait plutôt un grand plan Orsec (faut oser non ?) par lequel tout serait mis en œuvre pour profiter des périodes hivernales ou les pluies sont encore abondantes dans nos régions afin de  stocker tout ce qu’il est possible d’eau qui servira pour réguler les apports d’eau aux plantes l’été.

La population tout entière devrait et sera sans doute bientôt demandeuse de cette stratégie et de ces efforts. D’autant plus quand elle aura compris que le meilleur moyen de ne pas avoir trop chaud dans les villes bétonnées, c’est de les entourer de ceintures vertes irriguées.

Nourriture et abaissement de la température doivent devenir le projet de tout un pays.

 

Ce rapport en revanche en fait des tonnes pour rien en faisant l’impasse sur la question majeure de la régulation par l’homme de l’eau pour les cultures, qu’elles soient en ville ou à la campagne.

A suivre demain….

Dès neuf heures Hervé Le Treut sera dans l’hémicycle, avant la séance plénière, pour préparer l’assemblée à accepter sans heurts cette stratégie de l’eau qu’il faut regarder passer pour que le désert gagne un peu plus vite en Nouvelle Aquitaine.

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À propos

Je suis arboriculteur, viticulteur et maire de Reignac. Mais aussi Président de l'Association Nationale Pommes Poires, membre de WAPA (World Apple and Pear Association) et secrétaire général d'Interfel.
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D
Bien sûr qu'il faut pouvoir stocker l'eau excédentaire afin de l'utiliser pour couvrir les besoins. L'Espagne franquiste a lourdement investi à l'époque, la France dans le sud-est également, garantissant l'approvisionnement de villes comme Marseille. le Maroc fait de même, sécurisant ainsi ses productions végétales.<br /> Par contre, là où je ne vous suis pas, c'est le "Nourriture et abaissement de la température doivent devenir le projet de tout un pays": Vous croyez sérieusement que l'homme puisse avoir un impact significatif sur les températures? De plus, des températures plus basses sont beaucoup plus préjudiciables pour les productions: si je ne me trompe pas, le sud de l'Europe a plus de potentiel de production que la scandinavie, idem pour les EU vis à vis du Canada.<br /> M.le Treut ne prêche que pour son business, celui de la peur. Comment peut on oser annoncer des prévisions de hausses de temératures à la fin du siècle, comprises entre 1 et...4 degrés ,un facteur de 4!<br /> ce qui m'irrite au plus au point, c'est de voir des sommes colossales détournées pour des projets destinés à la "lutte contre le changement climatique" (énergies dites renouvelables par exemple). Le projet d'inscription dans la Constitution parachèvera cette folie collective de vouloir tout régenter par la loi.
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